Santiago Amigorena, l'enfant du silence

Santiago H. Amigorena

Librairie Passages

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Littérature / Avec Le Ghetto intérieur, Santiago H. Amigorena livre le roman qui planait sur toute son œuvre. Où l'auteur franco-argentin brise le silence hérité d'un grand-père juif accablé par la peine d'avoir survécu, parce qu'exilé, à l'Holocauste qui emporta sa mère.

D'où vient que les écrivains mettent parfois la moitié d'une vie – cinq, dix livres – pour écrire le livre que porte depuis la première ligne leur geste littéraire, s'affronter yeux dans les yeux au sujet pour lequel ils s'installent chaque jour à l'écritoire et qui supporte, subliminal, l'œuvre jusque-là délivrée ?

Eux-mêmes ont rarement la réponse, probablement à chercher du côté d'une maturation psycho-généalogique qui soudain bourgeonne à découvert, nue comme un ver et qu'on ne peut plus ignorer.

La question est particulièrement sensible s'agissant de Santiago Amigorena qui depuis 21 ans écrit pour dire qu'il ne peut pas dire, aveu formalisé en préambule de ce Ghetto Intérieur à l'évocation d'une œuvre autobiographique qui porte un abyssal non-dit.

Soit l'histoire du grand-père Vicente Rosenberg, juif polonais devenu argentin – qui ne se sent aucun des trois – à qui parviennent dès 1940 des nouvelles de plus en plus funestes de Pologne où les Juifs, son frère, sa mère, restés à Varsovie, sont parqués dans un ghetto dont il peine à mesurer les contours, à comprendre ce qui vraiment s'y joue – les privations, l'humiliation, bientôt Treblinka, la mort, l'horreur qu'on ne nomme pas encore et sur laquelle s'écrase toute tentative d'imaginer, même le pire – qui déçoit pourtant rarement les attentes placées en lui.

Le pire des refuges

Avec le temps, l'Histoire rattrape "Wicenty", lui murmure l'intolérable, le recouvrant d'un linceul de silence, reclus dans le "ghetto intérieur" de ceux que ronge la culpabilité d'être saufs.

Cette pièce devenue manquante de l'histoire familiale, ce silence hérité sur lequel il faudrait se construire, Santiago, petit fils d'un homme devenu fantôme, entreprend de les combler, retissant la tâpisserie mémorielle pour affronter l'irréductible question : comment vivre après ça ? Comment dire/écrire sans que les mots ne désamorcent l'horreur ?

C'est là la moindre mission des générations d'après – Martin Caparrós, cousin d'Amigorena et grand écrivain argentin contemporain, avait lui-même écrit sur ce grand-père partagé. Comme pour éprouver définitivement cette vérité : si le silence est un refuge, c'est assurément le pire de tous. C'est pourquoi de ce silence il faut parler, malgré tout.

Santiago H. Amigorena, Le Ghetto Intérieur (P.O.L)
À la Librairie Passages le mercredi 27 novembre

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