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Jacques Perrin-Fayolle, le constructeur

Architecture / II fut l’architecte du campus de la Doua, de l’hôpital cardio, de la bibliothèque de la Part-Dieu et pourtant Jacques Perrin-Fayolle (1920-1990) est aussi méconnu du grand public que ses œuvres sont fréquentées. Le professeur d’histoire de l’architecture Philippe Dufieux livre un solide et fort intéressant inventaire de son travail, racontant ainsi comment Lyon s’est transformée dans les années 60 et 70. L’auteur sera présent à la librairie Descours le jeudi 21 janvier.

On ne va pas se mentir, en lisant ce livre, on s’est d’abord rendu compte que les bâtiments qui entachaient cette belle Presqu’île étaient dues à… Jacques Perrin-Fayolle, tel l’hôtel Sofitel sur le quai Gailleton (à la place de l’ancien hôpital militaire Desgenettes) ou les immeubles qui donnent sur la Saône, côté 2e arrondissement, sur le quai Saint-Antoine vers la place d’Albon et la rue Mercière. Il n’aura là, d’une certaine manière, que remplit ces espaces que le maire et roi du béton Louis Pradel avaient libéré, peu enclin à rénover l’existant déclinant, devenu insalubre au fil du temps.

Mais bien sûr, ceci est presque une anecdote dans cet ouvrage de près de 300 pages extrêmement fouillé et imagé (photos d’hier et d’aujourd’hui, plans, dessins et même aquarelles), car ce que dresse Philippe Dufieux, c'est le portrait d’un homme de son temps, participant activement aux politiques étatiques de construction massives de campus et d’hôpitaux publics, plus qu’aux logements (le quartier villeurbannais du Tonkin est de son fait, l’immeuble Les Eaux-vives dans le 6e à la lisière du Rhône et du Parc de la Tête d’Or également)

Campus

À Lyon, le nombre d’étudiants passe de 13 512 (en 1960) à 19 153 quatre ans plus tard, sans compter les 4000 élèves des grandes écoles. Ils seront 35 000 en 1970 ! Perrin-Fayolle sera aux manettes du campus de la Doua qui s’édifie entre 1957 et 1972. Fragment de « ville nouvelle » comme le souligne l’auteur, ce campus est conçu sur le modèle nord-américain à l’image de ce qui s’élève aussi à Villeneuve d’Ascq, Nanterre ou Jussieu. Bibliothèque, restaurant universitaire, centre sportif, clubs : tout est mis à disposition des étudiants pour vivre en quasi autarcie, en étant hébergé dans l’une des onze résidences (3400 logements).

Tous ces bâtiments ainsi que la faculté de sciences et l’INSA sont ici détaillés. Où l’on retrouve le choix du matériau primordial qu’est le béton, de l’aluminium et les décors de Denis Morog. Ce plasticien a constellé de fresques en relief chacun des édifices construits par Perrin-Fayolle sur les escaliers, les façades, les murs. Sans être un disciple du Corbusier, l’architecte lyonnais lui empreinte des modèles comme ces toits d’amphithéâtre qui lorgnent avec Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp, ces couvertures en « paraboloïdes hyperboliques ou voiles à double courbure » comme le note précisément Philippe Dufieux, qui reste constamment à portée du lecteur.

Tous les corps de bâtiment du campus s’appuient sur la charte d’Athènes et sont construits sur le modèle des Unités de Construction (UC), placés sur pilotis pour faciliter la circulation piétonne et véhiculée dans ces espaces truffés de verdure — l’auteur déplore qu’aujourd’hui ces espaces soient devenus « invisibles sous les revêtements isolants ». Il appliquera aussi ce modèle aux UC qu’il fait à la Part-Dieu, les résidences Moncey, immenses rectangles gris perpendiculaires du cours Lafayette.

Hôpital

Lauréat du Prix de Rome en 1950 après deux essais infructueux, il l’emporte sur le thème de "l’université méditerranéenne" où déjà il doit imaginer salle d’études, salles de congrès et, malgré des portiques et des colonnades, il « affirme sa dette envers la pensée constructive de Perret dans une filiation rationaliste revendiquée ». Rationalistes, toutes ses constructions le seront. Formé au lycée Ampère puis dans les Ateliers Tony Garnier, il rejoindra ensuite Paris et parsèmera ses trois années à la Villa Médicis de voyages (1951-1954) à travers le monde. Il reviendra dans sa ville de naissance, Lyon, où comme ailleurs en France dans cet après-guerre, les travaux vont bons trains sur le plan universitaire (il fera aussi l’École Centrale à Écully, l’ENTPE à Vénissieux) et médical. Il devient un des experts de l’architecture hospitalière. Il construit avec son agence une trentaine d’unités de soins en France et six hôpitaux généraux (dans le Val-de-Marne, le Bas-Rhin, l’Yonne, l’Hérault — Sète — et, plus près de nous, à Villefranche-sur-Saône, Saint-Étienne — CHU de Saint-Priest-en-Jarez — et l’hôpital cardiologique Louis Pradel de Lyon-Bron.

Par la loi de 1970, la France souhaite « mieux répartir le nombre de lits à l’échelle nationale en réduisant les disparités locales ». L’État centralise la maîtrise d’ouvrage. Bienvenu dans l’ère des « hôpitaux industrialisés » visant à « réduire les coûts et les délais de réalisation ». Un soin est toutefois apporté à l’humanisation des espaces de soin et une réduction « drastique » des circulations externes et internes.

Bibliothèque

Dans tous ses travaux règne une forme de « simplicité » chère là encore aux préceptes de la Charte d’Athènes. Et si Jacques Perrin-Fayolle a très peu œuvré dans le secteur culturel, il fut l’homme de la Bibliothèque Municipale de la Part-Dieu qui émerge en 1972 dans un quartier en pleine mutation mais balbutiant alors — la gare ne sera mise en service qu’en 1983. À l’étroit dans ses murs du palais Saint-Jean (où se trouve toujours l’une des BM du 5e arrondissement), la bibliothèque se doit de ne plus être seulement un lieu de conservation des ouvrages mais vise à assurer une large diffusion culturelle.

Au silo, le stockage ; et de grands volumes (« délibérément surdimensionnés ») pour accueillir le public et faire place à la lecture publique. Morog déÉore les envolées d’escaliers qui mènent aux étages de « féérie de soleils abstraits et de satellites » tel qu’il le nomme lui-même « car là commence l’Odyssée ». Huit ans après avoir livré la bibliothèque universitaire de la Doua, sept ans après celle de l’Ecole Centrale et deux ans avant celle de l’ENTPE, voilà que Jacques Perrin-Fayolle donne le jour à la troisième des quatre bibliothèques qu’il réalisera. C’est alors la première bibliothèque de France par sa capacité (dix salles, 1300 lecteurs simultanés) et la deuxième pour l’importance de son fonds.

D’autres travaux de l’architecte sont évoqués dans cet ouvrage — dont l’urbanisation du Front de mer à Monte-Carlo — mais c’est à Lyon indéniablement qu’il laisse une trace à la fois marquante et presque effacée que Philippe Dufieux réhabilite avec enthousiasme.

Philippe Dufieux, Jacques Perrin-Fayolle, architecte de l'enseignement spérieur dans la métropole de Lyon (PUL)
À la librairie Descours le jeudi 21 janvier de 16h à 17h30 ; informations et réservations : info@librairie-descours.com

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