Kalachnikov : l'arme qui fait « pop pop pop »

Dans Ma dernière création est un piège à taupes, l'écrivain Oliver Rohe décrypte pour les très pop éditions Inculte, le destin de l'arme la plus célèbre au monde : l'AK 47 ou Kalachnikov. Ou le parcours physique et symbolique d'un instrument d'expansion et de propagande soviétique devenue icône pop infiltrée dans les luttes du monde entier et dans l'inconscient culturel collectif mondial. Jusqu'à devenir, en un terrible retournement, l'une des marchandises les plus prisées de son ennemi héréditaire : le capitalisme.

Dans son très détaillé Guide de Survie en Territoire Zombie (1), Max Brooks pose la question de la meilleure arme pour venir à bout des morts-vivants en cas d'attaque, ou simplement se défendre face à ce que l'on appela, dans la version française du remake de Dawn of the Dead, « l'Armée des Morts ». Au chapitre « fusil d'assaut », il pose les questions fondamentales : « quelle est sa portée utile ? Sa précision ? Trouve-t-on facilement des munitions ? Peut-on le nettoyer et l'entretenir facilement ? ». Autant de questions que s'est posé l'inventif Mikhaïl Kalachnikov au moment de concevoir le fusil qui allait porter son nom après s'être familiarisé avec l'usage d'un pistolet mitrailleur trouvé par hasard dans sa jeunesse.

Au moment d'attribuer son verdict, Max Brooks ne fait pas dans la dentelle : le M-16 américain, l'arme iconique des Marines US, est le « pire fusil d'assaut jamais construit ». Au point que durant la guerre du Vietnam, les « forces Viet-congs ne daignaient même pas les prendre sur les corps des soldats américains ». Et Brooks de poursuivre : « si vous avez le choix, faites comme les guérilleros communistes et laissez tomber le M-16 ». Pour lui, rien de tel que la bonne vieille Kalach', « meilleur fusil d'assaut du monde (…) resté célèbre pour son efficacité et sa robustesse ».

Un américain qui défend les vertus de l'AK 47 – ennemi héréditaire de l'armée américaine sur tous les théâtres de guerre du monde depuis 60 ans – c'est dire à quel point le postmodernisme a fait entrer cette arme emblématique dans l'inconscient collectif et la culture mondiale.

C'est ainsi que – vocabulaire guerrier du sport aidant – le basketteur russe Andreï Kirilenko, premier russe à s'imposer en NBA, fut non seulement comparé à Ivan Drago (l'adversaire soviétique de Rocky Balboa dans Rocky IV), archétype du Russe-ex-soviétique vu des USA, mais également surnommé « AK 47 ». Du fait de ses initiales bien sûr, mais aussi de cette polyvalence et de cette fiabilité qui en font l'un des joueurs les plus complets au monde.

Au point que le joueur n'hésita pas à en rajouter une couche en adoptant le numéro 47 des Utah Jazz, son équipe d'adoption. De retour cette saison en Russie au CSKA Moscou, il posa malicieusement pour les médias avec l'arme à laquelle il doit son surnom, ce qui ne manqua pas de faire grincer des dents.

Le singe et la taupe

Il faut dire que la Kalachnikov est devenue un mythe, un « outil » présent dans les plus lointaines tribus d'Afrique comme dans les caves de banlieues, ce qui ne manque pas de faire régulièrement la Une des journaux et de documentaires, sous l'angle : « rien de plus facile que de se procurer une Kalachnikov pour une bouchée de pain » (2). Si bien qu'entre 70 et 110 millions d'exemplaires circulent aujourd'hui dans le monde du « fusil qui ne s'enraye jamais » et dont Laurent-Désiré Kabila, successeur de Mobutu à la tête de la République Démocratique du Congo, disait qu'il «Il peut transformer un singe en combattant».

Dans son livre, Ma Dernière création est un piège à taupes, Oliver Rohe décrit d'ailleurs une telle scène : des soldats africains mettant une kalachnikov dans les mains d'un singe qui tire à vue, pendant que les soldats courent se cacher en riant :


Des "soldats" africains recrutent un singe ! par confiteor-II

Ma Dernière création est un piège à taupe, tiré d'une pièce radiophonique, est consacré à l'inventeur de l' « automate de Kalachnikov version 1947 » – année de sa mise au point – tout autant qu'à son invention. Un livre qui rappelle un peu, le style en moins – encore que –, la biographie particulière consacrée à Emil Zatopek par Jean Echenoz dans le superbe Courir. En cela que le destin des deux hommes, Mikhaïl Kalachnikov et Emil Zatopek, lui aussi figure pop, bien malgré lui, de la doctrine communiste, se regardent en miroir.

Là où Zatopek le coureur tchécoslovaque, symbole de la domination athlétique et argument de propagande du régime tchèque, fit un passage – après avoir rempli des stades et des tableaux de médaille – dans les mines d'uranium de Jachymov, Kalachnikov est lui l'enfant d'une famille, victime de la « dékoulakisation » et déportée en Sibérie pour avoir eu le tort de posséder des terres et donc d'avoir « de quoi manger », comme le disait cyniquement le dirigeant bolchevique Zinoviev.

Malgré ou à cause de ce traumatisme initial, toute sa vie Kalachnikov n'eut pour seule obsession que de servir l'Union Soviétique. Au point de s'évader et de se faire faire de faux papiers pour pouvoir rejoindre l'Armée rouge et le front durant la Seconde Guerre Mondiale. C'est notamment en partie à l'hôpital, à la suite d'une blessure au combat, qu'il mit au point le fameux fusil qui fit de lui le militaire le plus décoré de l'Armée rouge.

Etendard officiel

Dès le départ l'AK 47 n'est pas tant une réponse militaire – elle l'est bien sûr – qu'idéologique au fusil STG44 (ou Sturmgewher) allemand de la deuxième mondiale : « Le Sturmgewehr, explique Rohe, était imparfait et il était allemand ». Sous entendu, avant d'être imparfait – du point de vue ennemi c'était plutôt une bonne nouvelle – il était allemand.

« En toute logique, il ne pouvait que susciter une réponse, une réplique, il devait susciter son propre dépassement ». La même opposition idéologique opposerait plus tard l'AK 47 au M-16 américain, fleuron US largement déficient, du fusil d'assaut – dont Brooks nous apprend au détour de son Guide anti-zombie qu'il a été adopté par l'armée américaine à la va-vite, et sans être testé, suite au lobbying particulièrement agressif de ses fabricants auprès de l'armée américaine.

« Ce nom d'AK 47 renfermait effectivement en son sein l'abolition de la propriété privée et la collectivisation des moyens de production, la nouvelle politique économique, la planification quinquennale, les hauts-fourneaux et les ouvrières agricoles, la bataille de Stalingrad, l'art réaliste et le cinéma soviétique , les parades spontanées de la jeunesse et les grands défilés militaires. »

Le fusil officiel de l'armée rouge et des combattants du peuple, mis au point – ironie suprême – par un ancien paria du régime soviétique, était désormais l'étendard officiel de la guerre contre l'ennemi, et comme le souligne Rohe « l'ennemi avait maintenant un nom nouveau : l'impérialisme ». Sous entendu occidental et américain, évidemment.

C'est pourquoi il se diffusa sur tous les terrains de lutte pour l'émancipation, à commencer par les mouvements de libération de la colonisation, en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, dont l'Union Soviétique profita, par son soutien idéologique et militaire et la diffusion du fusil d'assaut emblématique ; pour étendre sa suprématie : « [l'AK47] était le symbole brandi par l'exploité contre le capitalisme, par l'opprimé contre le colonisateur, plus largement par le faible contre le fort, il était l'étendard planétaire de la justice immanente et de la libération. »

Un étendard cristallisé en fétiche politique « car quiconque la possédait dans ses mains et l'utilisait sur le terrain participait ou croyait participer de près ou de loin à l'histoire et à la mythologie commune de l'émancipation. »

Cancer à venir

Puis quelque chose s'enraya au pays du fusil qui ne s'enraye jamais, victime en quelque sorte de son fantastique succès :

Ainsi de symbole de la grandeur et de la puissance expansionniste de l'idéologie soviétique, il devint celui de l'amorce de sa chute, de « son affaiblissement déjà annoncé en Afghanistan [envahi par l'Union Soviétique en 1979] par le retournement physique et symbolique de son arme fétiche contre ses propres soldats ». En quelque sorte, l'AK 47 faisait tomber ce qu'il restait du masque de l'impérialisme soviétique.

A quelques années d'intervalles, des forêts vietnamiennes aux montagnes afghanes, mêmes combats : les desseins opposés des deux hyper-puissances américaines et soviétiques finissaient par se replier l'une sur l'autre sous les balles « révolutionnaires' de la Kalachnikov.

Après avoir servi, par l'entremise des Viet-congs, à porter atteinte à l'ennemi héréditaire et capitaliste américain, l'AK 47 terminait son tour du monde des guérillas aux mains des moudjahidins en une sorte de retournement ironique de l'histoire. « Comme si, écrit Oliver Rohe, la simple présence de ces armes parmi les ennemis de l'intérieur afghans, contenait déjà a promesse biologique d'un cancer à venir ». Celui-là même qui allait voir la toute puissante Union Soviétique et le Pacte de Varsovie s'effondrer comme un château de cartes actionnant lui-même un irrépressible jeu de domino.

Le bras armé de la propagande tenait désormais son maître en ligne de mire, faisant de l'AK 47 la première arme postmoderne : l'instrument de son propre détournement. Comme une peinture de Warhol retournant un message publicitaire contre le système qui l'avait engendré. Sans doute, ce même Warhol, qui avait représenté sur l'un de ses célèbres tableaux le proverbial colt américain, aurait-il pu faire de même avec la Kalachnikov. Ce que firent les peintres Dubossarsky & Vinogradov, avec leur vision bien à eux de la traditionnelle Russian Troïka, mettant en scène un cocher faisant feu avec une kalachnikov sur un démon hurlant.

L'Internationale du massacre

Mais l'AK 47 conserve son aura dévoyé d'arme de quiconque se sent oppressé, de contre-pouvoir avec un chargeur, l'instrument devenu icône pop – et star de cinéma – d'une colère libératrice universelle, d'une guérilla permanente qui secoue le monde.

Et il n'est pas impossible que ce fétiche politique continue d'agir quelque soit l'idéologie – plus souvent oppressive qu'émancipatrice – véhiculée par celui qui la tient, enfant de Luanda, terroriste islamiste, mafieux italien, rebelle irakien, Farc, milicien d'extrême-droite ou dictateur fétichiste, comme Saddam Hussein qui en possédait une en or, offerte par le roi d'Arabie Saoudite.

Le fait est que comme la télévision, les médias, la Kalachnikov a infiltré toutes les luttes, toutes les propagandes. De cela, l'ex-Yougoslavie est sans doute le symbole. D'abord unie dans l'idéologie communiste sous le joug de Tito, la Yougoslavie s'entre-déchira à coups, entre autres, d'AK 47, avant, les hostilités terminées, de devenir la plaque tournante du trafic européen de Kalachnikov.

C'est Roberto Saviano qui dans Gommora, son best-seller sur le pouvoir de la mafia, qui résume le mieux les choses, de manière terrifiante, lors d'un passage dévolu spécialement à la Kalachnikov, devenu symbole du film qu'en tira Matteo Garrone :

« D'après l'O.N.U., des tueries ont été perpétrées avec cette arme en Algérie, en Bosnie, au Burundi, au Cachemire, au Cambodge, en Colombie, au Congo, à Haïti, au Mozambique, en Ouganda, au Rwanda, au Sierra Leone, en Somalie, au Soudan, au Sri Lanka et en Tchétchénie. Plus de cinquante armées régulières sont équipées de Kalachnikov et il est impossible d'énumérer les groupes clandestins, paramilitaires et de guérilleros qui l'utilisent.

(…) Sadate en 1981, le général Dalla Chiesa en 1982 et Ceausescu en 1989 furent tous abattus à la Kalachnikov. Salvador Allende fut retrouvé dans le palais de la Moneda avec des balles de Kalachnikov dans le corps.

Des morts célèbres qui sont la meilleure publicité possible pour l'AK-47. Le fusil figure même sur le drapeau du Mozambique et les emblèmes d'innombrables organisations politiques, du Fatah en Palestine au M.R.T.A. au Pérou.

Quand il apparaît au milieu des montagnes dans ses vidéos, Oussama Ben Laden s'en sert comme d'un symbole menaçant. La Kalachnikov a accompagné toutes sortes de combattants: les libérateurs, les oppresseurs, les soldats d'une armée régulière, les guérilleros, les terroristes, les ravisseurs, les membres d'escortes présidentielles. Kalachnikov a créé une arme particulièrement efficace qu'on a pu perfectionner au fil des années, une arme qui a connu dix-huit versions et vingt deux nouveaux modèles inspirés de l'original… »

Et Saviano d'ajouter que le but prétendument égalitaire poursuivi par l'URSS et Kalachnikov a été atteint mais dans le dévoiement le plus total :

« Depuis qu'il l'a créée, personne ne ne peut plus prétendre avoir perdu parce qu'il ne pouvait accéder aux armes. Kalachnikov a fait un geste en faveur de l'égalité : des armes pour chacun, des massacres pour tous ».

Peut-on mieux illustrer ces propos qu'avec le film Johnny Mad Dog de Jean-Stéphane Sauvaire ?


JOHNNY MAD DOG (Bande-Annonce) par MNP

La marchandise idéale

Pire, précise Rohe, après la chute de l'Union Soviétique la Kalachnikov était entrée « de plain pied et sans possibilité de retour en arrière dans la logique de la marchandise pure. » Devenant même par son accessibilité, ses stocks inépuisables, son caractère bon marché – une cinquantaine de dollars dans certaines régions du monde – « la marchandise idéale : jamais dépréciée bien qu'abondante et impérissable ». Soit une véritable anomalie dans le monde capitaliste d'aujourd'hui – de plus en plus basé sur les concepts d'obsolescence et de nouveauté, symbolisés, entre autres, par l'empire Apple – mais qui utilise toutes ses arcanes de commercialisation légales ou illégales. Celle de la mondialisation quand cette arme ne sert au fond qu'à la défense et « à la fragmentation des territoires ».

« Plus que la lutte antifasciste et le sauvetage patriotique, poursuit Rohe, plus que l'insurrection et le combat pour l'émancipation des peuples, la Kalachnikov de l'ère capitaliste contemporaine charrie sans doute avant tout les images de l'idéologie qui désormais l'habite : les images de la disponibilité et de la circulation sans entraves – et ce bien qu'elle soit grimée et parce qu'elle est grimée en icône publicitaire de la contestation (d'une contestation pour elle-même, adossée à rien, d'une contestation sans objet) et plus encore de la criminalité la plus clinquante – une icône de la contestation pop et du gangstérisme qui pénètre le langage lui-même, qui transpose les gestes, les codes et les imageries de ces derniers dans la langue, ces attitudes d'intimidation chahuteuses de qui porte une arme à la ceinture – une transposition qui macère un temps dans les marges de la langue avant de se répandre peu à peu au reste de ses tissus, qui se répand et se retrouve par exemple dans la bouche d'un ministre français [Eric Besson, NDLR] déclarant avec un ton très spécifique fait de cabotinage arrogant, d'inconscience et de délire de toute-puissance : « Le président a raison, les médias, il faudrait les passer à la Kalachnikov » »

En cela, on pourrait faire, en le caricaturant, le même reproche que celui que Jean Baudrillard faisait à Magnus Enzensberger à propos de sa conception du média télévisuel, lequel y voyait un instrument révolutionnaire, une fois mis aux mains des tenants de la révolution, bref un vecteur idéologique. Or, il n'y a pas de médiation révolutionnaire possible à travers l'AK 47 comme il n'y en a pas selon Baudrillard de la télévision sous prétexte qu'elle serait aux mains des masses et du prolétariat. Il n'y a pas de détournement critique possible des mass médias et si l'AK 47 a subi, passé l'illusion de sa symbolique libératrice, un retournement idéologique qui ne fut en fait qu'un passage de main en main, c'est précisément parce qu'il reste tributaire d'une médiation réduite à sa plus simple expression : tuer. Un acte qui, par définition et en toute absurdité, ne souffre aucun « retour critique », aucune réponse, de celui qui le subit, parce que précisément il ne souffre aucune justification idéologique qu'une arme ou une autre serait capable de véhiculer.

Après l'effondrement du mur de Berlin, Kalachnikov fit installer « une porte blindée en bas de l'immeuble de son fils car, disait il, « que peut-on faire d'autre pour se protéger des délinquants »». Comme s'il n'avait pu imaginer, et sans doute ne l'a-t-il jamais fait, que son invention put-être utilisée à d'autres fins que de servir la patrie qui l'avait rejeté mais pour laquelle il avait combattu le nazisme et pour laquelle il avait été blessé.

Lors d'une visite en Allemagne en 2002, Mikhaïl Kalachnikov déclara d'ailleurs, lui qui toute sa vie travailla à l'amélioration de son engin, avec le même plaisir passé à écrire des poèmes ou à mettre au point des pièges à nuisibles : « Je suis fier de mon invention, mais je suis triste qu'elle soit utilisée par des terroristes. Je préférerais avoir inventé une machine que les gens peuvent utiliser et qui aiderait des fermiers dans leur travail... par exemple une tondeuse. » (3) Un regret qui n'est pas sans rappeler la déclaration d'Albert Einstein au vu du rôle déterminant de ses recherches dans le développement de la bombe atomique : « Si j'avais su, je serais devenu horloger ». Dans les deux cas, la face du monde en eut été considérablement changée. Ou pas.

(1) Après la lecture ce livre, les obsédés d'une hypothétique invasion de morts-vivants pourront se reporter sur le site http://www.mapofthedead.com où sont répertoriés les endroits où trouver armes, médicaments, abris etc. au cas-où. A ceci près que la carte lyonnaise présenté par le site ne répertorie que de rares pharmacies, stations essences et... marchands de vins. Dans l'hypothèse plus probable d'un remake live de la Nuit des Morts Vivants, il est donc conseillé d'émigrer aux Etats-Unis.

(2) Le 13 décembre dernier, Nice Matin titrait : « Kalachnikov l'arme fétiche des malfrats ». Un titre parmi les dizaines d'autres fleurissant dans la presse.

(3) The Guardian, 30 juillet 2002.

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X