L'Étrange Couleur des Larmes de ton Corps

Un hommage très personnalisé au Giallo, un film sensoriel, mais hermétique.

Le film raconte l’histoire d’un type qui cherche sa femme disparue mystérieusement. Cet homme, et ceux qu’il rencontre, tous habitent dans une baraque immense, qui cache autant de choses que tous ces personnages au fond de leurs subconscients…

Il faut reconnaître. L’Étrange Couleur des Larmes de ton Corps à un coté :
film destiné aux spécialistes du Giallo, aux étudiants en cinéma.

Mais comme dit mon pote Thierry : "Ouais c’est un Giallo, mais les réals, ils ont leur univers…"

Du coup, je me suis dit que ça pouvait être interessant d’y réfléchir un peu :
Le film est certes rempli de symboles et de références aux auteurs, compositeurs et techniciens ayant participé aux plus grands chefs d’oeuvre du genre précité… Mais c‘est aussi l’oeuvre de deux réalisateurs cinéphiles qui, consciemment ou non, ont parsemé leur films de différentes inspirations cinématographiques, tout en donnant une vision très personnelle, du Giallo qu’ils souhaiteraient eux, voir au cinéma.

Moi, je ne suis vraiment pas Giallophile.
C’est donc d’un œil naïf et inculte que j’appréhende le film.

Le film d’Hélène Cattet et Bruno Forzani provoque très vite une certaine transe. "l’enquête", se transforme assez vite en analyse par le héros d’abord, puis par le spectateur, de l’ensemble des personnages du film ; leurs souvenirs, fantasmes et cauchemars.
Différencier la réalité et de l’imaginaire devient difficile et stimulant à la fois. Les visions deviennent de plus en plus abstraites, et restituent pèle-mêle plusieurs indices sur la psychologie, non pas d’un seul protagoniste, mais d’un ensemble de personnages constituant un seul et unique cerveau labyrinthique.
Cela m’a fait penser à l’univers de feu Satoshi Kon - référence confirmée par les réalisateurs. Notamment Paprika, ou un personnage explore la psyche d’un espèce d’inconscient collectif à la recherche d’un coupable, et ou plusieurs niveaux de lectures sont visibles. Visuel, culturel / métaphorique, psychologique.

Trois aspects du film m’ont particulièrement impressionné:

Même si l’on n’y comprend rien à cette histoire, l’aspect scénaristique a été peaufiné de manière à pouvoir reconstituer un puzzle mental, tout au long du film. Ainsi, progressivement plusieurs éléments de psychologie se dévoilent, du fantasme sexuel au désir de mort, aux traumas de l’enfance. Certains évidents, d’autres qu’il faut chercher dans la répétition, lorsqu’un nouvel élément se rajoute à une scène déjà vue, mais reformulée.

Le travail visuel est je pense, conforme à l’univers du Giallo. Ne connaissant que les plus célèbres Argento, et Amer dans ce domaine, je ne m’étendrai pas.
Ce que je vois, c’est qu’il se renouvelle et s’étoffe. Malgré la répétition dont je parlais plus haut, il n’y a pas d’ennui, car visuellement, les réalisateurs ont cherché à renouveler les sensations fournies par l’image. De très nombreux effets sont donc utilisés, comme par exemple utiliser le noir et blanc associée à un effet roman photo, pour illustrer les fantasmes.

Le dernier élément est la partie sonore. Celle-ci, loin d’être accessoire, est intégrée de manière systématiquement saturée, et décuple l’impact visuel de chaque évènement, action, découverte.
Certains sons, que j’appellerai " quotidiens", immergent le spectateur, nous enveloppent. Inhalations/expirations, bruits de pas, simple frottements… D’autres maintiennent constamment l’ambiance, comme ce bruit de fond qui s’apparenterait à la respiration de cette maison cerveau. Puis il y à ces sons durs et agressifs illustrant toute violence, qu’elle soit physique ou psychologique. L’association de tous ces bruitages est fantastique. Elle donne cette atmosphère unique au film.

Tout de même, pour qui ne connaît pas les différents codes du genre, comme moi, dur dur de comprendre le film, d’adhérer pleinement à cet univers multi-strates.
L’Étrange Couleur des Larmes de ton Corps est donc un film hermétique.
Cependant, ce n’est pas uniquement un défaut. Cela indique aussi le niveau d’intégrité d’une démarche d’auteurs qui ont mis énormément d’eux mêmes dans leur film, quitte à le rendre inaccessible et anti-commercial.

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