Dans les coulisses des Labyrinthes du coeur

Il aura suffit de trente-six minutes. Le temps d’un filage. Le temps de changer complètement de regard sur le ballet contemporain. Et pourtant, j’avoue, ce n’était pas gagné d’avance.

Tout commence par un innocent appel à candidatures offrant aux amateurs de découvrir les coulisses du Ballet de l’Opéra de Lyon et de livrer leur regard sur cette expérience. Le genre d’appel auquel nous, on ne résiste pas longtemps. Un appareil photo, un calepin, et nous voilà en route pour l’Opéra, entrée des artistes. Pas de spectacle ce soir, mais nous assisterons aux répétitions d’Heart’s Labyrinth, l’une des trois pièces qui ouvrira non seulement la saison du Ballet, mais également l’incontournable Biennale de la Danse.

Accueillis par les équipes du Ballet et du Petit Bulletin, nous commençons par une petite visite des locaux de l’Opéra, une rencontre brève mais charmante avec l’une des danseuses du Ballet, avant de nous installer, seuls, dans l’immense salle vide, face à la scène où les danseurs s’échauffent. Jiří Kylián, le chorégraphe d’Heart’s Labyrinth, n’est pas présent ce soir, mais ses répétiteurs veillent sur le travail du petit groupe de danseurs - les neufs que compte la pièce, et ceux qui se tiennent prêts à reprendre un rôle au pied levé.

Descente dans les ténèbres

Dès les premières secondes se distille toute l’atmosphère de cette création tragique de Jiří Kylián, comme une lente descente fantasmagorique dans les ténèbres. Composés après un évènement dramatique survenu dans sa compagnie, les quatre tableaux successifs explorent la gamme des sentiments mêlés lors de la perte d’un proche, entre mélancolie, désespoir, égarement ou triste nostalgie. Sur une scène épurée où la lumière, dure, fait naitre des ombres marquées, le décor se résume à un miroir qui pivote pour livrer passage à chaque nouveau tableau. En duos, en trio, à quatre, les danseurs font alterner douceur et heurts dans des figures où les corps s’abandonnent ou se tordent, dans des portés qui enlacent ou tiraillent.

Pour les novices que nous sommes, le savant mélange entre l’esthétique classique du ballet et ces torsions, ces crispations des corps qui rythment la création de Jiří Kylián ("néo-classicisme", se souffle-t-on), surprend et fascine. Porté par des musiques puissantes, Schoenberg, Webern et le majestueux Nocturne en si majeur de Dvořák, le spectacle – le filage, plutôt – enivre, emporte, si bien qu’à un instant mon stylo se fige, que les appareils photo en oublient de fixer les mouvements.

Apnée

Lorsque le rideau tombe, trente-six minutes plus tard, on entend dans le silence qui s’installe les souffles haletants des danseurs. Nous, en apnée, nous étonnons presque de ne pas entendre les applaudissements, oubliant tous un instant que nous sommes ce soir les seuls spectateurs. Qu’importe, les danseurs répètent les saluts face à la salle déserte, et nous applaudissons alors, aussi fort que possible – on ne sait jamais, on nous réinvitera peut-être !

Il y a des opportunités qu’il faut savoir saisir pour élargir son horizon. La répétition nous a émus, séduits. Pari gagné ! Prochaine étape, mercredi, la première des Labyrinthes du Cœur. Avec, en prime, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon. Et on n’est pas du genre à laisser passer ça !

Texte : Aurélie Pollet
Photos : Maximilien Gonçalves-Martin

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