Dans les coulisses de la soirée Forsythe

Le travail, la construction, l'appropriation d'un langage c'est peut être cela qui nous a le plus touché au cours de cette après midi de petites souris. Bérénice Voituret

Tout commence par une ascension jusqu'au 11e étage du bâtiment, puis c'est par les pieds que nous prenons un premier contact avec cette séance de répétition. C'est donc pieds nus que nous rentrons dans la salle, chacun armé de son outil (appareil photo, stylo, peinture). Les danseurs sont déjà là, silence et concentration émanent de cette salle d'où la vue est à couper le souffle. Chaque danseur est plongé dans son rituel, s'étire et prépare son corps pour cette nouvelle séance de travail, une parmi tant d'autres dans la journée d'un danseur de ballet de l'Opéra de Lyon.

Car cette virtuosité qui fait trembler le spectateur 11 étages plus bas les soirs de représentation n'est pas un don du ciel, chaque danseur travaille, travaille encore et encore, recommence, échoue et recommence, encore et encore, demandant toujours plus à son corps.

Il est 14h, six danseurs sont présents pour cette première répétition, ainsi que deux maîtres de ballet qui conseillent et transmettent avec une grande bienveillance le langage de Forsythe, qui peu à peu va devenir celui de chaque danseur. Entre classique et contemporain, chaque couple de danseurs doit être en parfaite symbiose, chacun avec son partenaire. Cette unicité est un long travail marqué par de nombreux réglages... Tous les danseurs attendent, regardent les autres. Ce qui est frappant c'est la cohésion et la volonté de transmettre que chaque danseur éprouve envers les autres. Chacun apprend et conseille l'autre.

"You know what I need."

Un mot, une phrase vient souvent assurer (rassurer) un mouvement entre les danseurs. Et bien sûr les conseils du maitre de ballet, comme une musique de fond sur laquelle chacun cale ses pas. Nous assistons réellement à un travail en train de se faire, à une construction... Construction qui passe inévitablement par une déconstruction.

Danseur : "It's a little bit different."
Maitre de Ballet : "Yes, I Know but just try."

Un geste, un mouvement qui demande plus de travail que les autres, on observe, on entend et on recommence. Chaque danseur s'applique à donner le meilleur de lui même pour sublimer le mouvement de son partenaire.

Danseur : "Je pousse trop?"
Danseuse : "Non non, c'est moi."

Le duo est interrompu par le maitre de Ballet :

Maitre de Ballet : "Come here and use your stomach."

Le corps, outil principal du danseur, outil de perfection et objet de souffrance.

Maitre de Ballet : "You feel it?"

Sentir pour ne pas agir en force, sentir pour faire ressentir. On enlève un sweat, un pantalon, et on recommence, on reprend, 5 6 7 8 go !

Maitre de Ballet : "I think you should doing like this. Are you warm ?"
Danseuse : "Yes."
Maitre de Ballet : "Yes good, again with music please."

Et les voilà repartis encore et encore, plus haut, plus vite, avec plus de souplesse et de grâce, avec plus de cohésion et avec un sourire encore plus grand. La répétition s'achève dans les rires et la bonne humeur, chacun se rhabille, s'hydrate et se soigne. 15 minutes de pause puis c'est à l'étage moins 5 du même bâtiment que le travail continu...

C'est donc à plus de 30 mètres sous terre que nous retrouvons les danseurs, montés sur des tables et déjà en plein effort. Ils répètent One Flat Thing: Reproduced. Changement radical d'ambiance, nous sommes en sous-sol, les lieux sont plus froids et moins lumineux, pourtant la chorégraphie déborde d'énergie.

Cette fois-ci ce sont quinze danseurs qui se déchaînent entre, sur ou sous des tables. Chaque danseur doit veiller à ses mouvements, à lui, aux autres, mais il doit également faire attention aux tables, décor et objets de torture contre lesquels orteils et chevilles se heurtent. Comme une classe de lycéens qui aurait décidé de monter sur les tables à l'unisson, les 15 danseurs se déchaînent.

Chaque petit groupe, chaque élément du tout, travaille à l'harmonie d'un geste, d'un regard. Une grande partie des répétitions se passe sans musique, c'est le maitre de Ballet qui au son de sa voix rythme le tout. Puis une fois les gestes de chacun répétés, c'est le moment de la répétition de la pièce dans sa totalité. C'est ici que les petites souris lâchent appareil photographique et stylo pour se concentrer sur l'application du travail observé. Energie, émotion et passion émanent de ce ballet aussi jeune que cosmopolite où chacun se nourrit de l'autre et transmet sans forcement parler la même langue ; car de toute façon chacun, par le mouvement, comprend l'autre.

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