Dans les coulisses de la tournée Forsythe

​Dans le cadre de sa tournée, le Ballet de L'Opéra de Lyon répète deux pièces de William Forstyhe, "Workwithinwork" et "One Flat Thing Reproduced", ce mercredi 18 février. Sous la verrière, tout en haut de l’opéra, corps et esprits se consacrent à la beauté du mouvement. Immersion. Cécile Guyez

15h. Dans la lumière pâle de l’hiver, les danseurs – entre 20 et 30 ans – pénètrent par petits groupes dans la salle de répétition, sous la grande verrière de l’Opéra de Lyon, au 11e étage. Tout en haut, avec le ciel pour plafond. On pose les bouteilles d’eau, on discute un peu, en anglais, espagnol (douze nationalités sont représentées au sein des 30 danseurs du ballet), on frôle les barres d’échauffement qui entoure le plateau de lino gris.

Au programme aujourd’hui : deux œuvres de William Forsythe entrées au répertoire lyonnais. Le chorégraphe américain a développé une gestuelle basée sur le classique, mais tout en cassant et exagérant les postures, et en accélérant leur rythme. Ses mises en scène bouleversent également les codes du spectacle, pour aboutir sur des œuvres très novatrices.

Crée en 1998, Workwithinwork fait l’objet de la première partie des répétitions et se compose en pas de deux, sur une musique de Luciano Berio, Duos pour deux violons.

Cosmonautes

«Comment vont tes genoux ?», demande Jocelyne, maître de ballet. Grande, les cheveux blancs regroupés en une longue tresse qui s’arrête au milieu de son dos, elle passe entre les danseurs, le regard bienveillant.

Habillés de jogging et diverses couches de t-shirt, débardeur ou chemise à carreaux, les danseuses chaussent leurs pointes, tandis que les danseurs quittent d’énormes chaussons. On dirait des boots, qui les font ressembler à des cosmonautes. Quel contraste avec l’élégance dont ils font preuve par la suite ! Par petits groupes, on ajuste les variations, on reprend contact avec l’œuvre de Forsythe. Jocelyne demande à revoir un mouvement, une position puis lance : «On commence depuis le début, et on enchaîne chaque scène.»

Complices

Les corps se figent, les mines se concentrent. C’est parti. Les combinaisons s’enchaînent à une allure folle, le mouvement de Forsythe est fulgurant. Le sol résonne des pas puissants des danseurs qui achèvent un passage, avant de se replacer. Souffles saccadés.

Sur les côtés, les danseurs visualisent les enchaînements à venir, les yeux dans le vague, le corps en esquisse. Mais la concentration n’exclut pas le rire, les regards complices et les boutades chuchotées entre partenaires qui ont l’habitude de travailler ensemble.

15h50. Fin de la première phase de répétition. Les corps transpirent, on est passé du pull au débardeur. Les corps souffrent aussi, les talons des danseuses virent au rouge vif. On masse aussi les quadriceps, les chevilles… Puis débriefing.

Référence

«Tu me coinces le poignet sur cette pirouette» lance une danseuse à son partenaire. «Oui mais je dois placer mon pouce…» réplique celui-ci, un peu désarmé. Jocelyne arrive, les replace. Et là, magie, la combinaison fonctionne. Gardiens de la mémoire de la compagnie, les maîtres de ballet connaissent les œuvres jusqu’au bout des doigts et sont la référence pour les nouvelles générations d’interprètes. Imbriqués dans une position quasi surréaliste, un autre duo rit de rester bloqué. «C’est tellement naturel comme porté !» ironisent-ils, mais finalement s’en sortent.

Après le passage d’un deuxième groupe sur la même chorégraphie, la pause s’impose.

Poisson

17h10. Reprise avec une deuxième création de Forsythe, One Flat Thing Reproduced (2006), qui met en scène les danseurs avec des tables. Elle implique une multitude de combinaisons dessus, dessous et à côté du mobilier, simultanées et en différents points de la scène. Un travail de haute voltige, répété sans l’élément central de la pièce : les tables ! Une difficulté ajoutée à la difficulté. Huit arrêts sont nécessaires pour résoudre les points d’achoppement. La tension est palpable. «C’est vachement dur pour la mémoire !» lance un danseur. «Mange du poisson ! C’est très bon pour la mémoire» reçoit-il en réponse. On s’interpelle, on compte les temps puis on arrive à conclure la chorégraphie. Les danseurs quittent ensuite le plateau, en papotant ou s’hydratant, en direction des vestiaires. Retour à la vie réelle.

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