Dans les coulisses de "Drumming Live"

Le 18 mars dernier, j’ai intégré les rangs de la Brigade du Ballet pour assister à la répétition de "Drumming Live". Voici donc mon rapport. Magali Vagneur

Dire que j’en avais envie, c’est peu dire. J’aurais fait la danse du ventre sur le bureau du Petit Bulletin si ça avait pu me donner plus de chances d’intégrer la fameuse Brigade du ballet et aller à l’Opéra de Lyon, assister à une répétition de danse. Depuis que je suis dans cette ville, j’en rêve. Aller là-haut, sous l’immense verrière, au tout dernier étage de l’Opéra et regarder les danseurs répéter, goûter par procuration ce mélange d’effort physique, de travail de création, dans ce cadre comme suspendu au-dessus des toits.

Et puis voilà, c’est arrivé. J’ai été invitée à rejoindre la Brigade. C’est un petit groupe, formé pour l’occasion, de dessinateurs, photographes, blogueurs, observateurs divers invités à assister à la répétition d’un spectacle de danse à l’Opéra de Lyon.

Mise en bouche avec une visite guidée de l’Opéra. On commence tout en bas, au - 5, puis on monte encore et encore, on quitte le noir bizarre et vient la grande clarté, voilà on y est, tout en haut. Au sol, du parquet de bois clair, sur le côté une baie vitrée en demi-Lune ouvre sur les toits de la ville. Au-dessus de nos têtes, le ciel, strié par des lames qui protègent du soleil. La Brigade se cale dans un petit coin. La répétition commence.

Les danseurs sont en train de faire un filage de Drumming Live de Teresa de Keersmaeker, le spectacle qui sera joué à partir du 7 avril. La musique est forte, une boucle de percussions qui revient sans cesse, hypnotique. Les danseurs s'élancent, se croisent, courent, s’étreignent, se lâchent, se ratent, ça ressemble à la vie, ils se toisent et se défient, parfois se frôlent, se rapprochent puis se quittent. Par instants, ils font la même chose au même moment, mais leurs regards et leurs corps disent qu’il ne suffit pas d’être synchrones pour être ensemble.

Et puis. Et puis un danseur s’élance dans la diagonale, il enchaîne des pas avec sa partenaire, il saute, un bruit claque, il est à terre. Le danseur est à terre. Putain merde, le danseur est à terre ! Il est à plat ventre, il ne bouge plus. Toute la troupe se rassemble autour de lui. Le bruit, c’est son talon d’Achille qui s’est rompu. Ça doit faire un mal de chien mais ça n’est pas la douleur que je perçois le plus violemment, c’est la rage, la déception, une colère blanche et impuissante. Pompiers, brancard, le danseur est emmené. 15 minutes de pause.

À la Brigade, on n’en mène pas large. Notre accompagnateur fait diversion. Brillamment. Reboucle avec ce qu’il nous avait expliqué un peu plus tôt. «Beaucoup d’accidents du travail dans la maison.»

Il nous explique aussi comment la danse se transmet, d’où vient ce spectacle auquel nous assistons. La danseuse et chorégraphe Teresa de Keersmaeker emprunte à la danse classique et s’en autonomise, recombine les mouvements, joue sur le sens, l’inversion, la symétrie. Pour transmettre sa pièce aux danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon, elle s’appuie sur deux répétiteurs, qui mènent les répétitions. Eux-mêmes font appel à des vidéos de la pièce déjà dansée, ainsi qu’à la mémoire qu’ont leurs propres corps de cette pièce.

Aurélie et Cristina sont danseuses, membres du Ballet de l’Opéra de Lyon. Sur une saison, elles danseront plusieurs pièces différentes. Leur travail est très varié dans la mesure où le ballet n’a pas de chorégraphe attitré, il leur faut à chaque fois épouser un nouvel univers, une autre façon de danser. «Avec Drumming, il ne nous est pas demandé d’improviser, la gestuelle est très précise. Aussi, l’indication qui revient souvent de la part du répétiteur, c’est frisky.» Fougueux, pétillant.

La répétition reprend. Après un nouveau filage, les danseurs travaillent par petits groupes des séquences plus courtes. C’est beau parce que ça n’est pas encore là, parfait. C’est beau de les voir essayer, reprendre, commencer par copier le geste sur la démonstration du répétiteur, puis se l’approprier, l’habiter. On voit comment le mouvement naît et devient une parole, une manière de dire quelque chose.

Enfin, après un intense regard vers le ciel, le répétiteur annonce la fin de la répétition. Ici, c’est donc dans le ciel qu’on lit la fin de la répétition. Ah non. On m’apprend que le répétiteur vient de lire l’heure sur l’horloge de l’Hôtel de ville. OK. C’est beaucoup moins poétique, mais ça marche aussi. Il est 18 heures. Les danseurs quittent la salle. Les brigadiers remballent leur matériel. Devant les ascenseurs, la Brigade croise le maître de ballet. Il nous apprend que Franz, le danseur blessé au talon, sera opéré dans deux jours.

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