Dans les coulisses de "L'Arlésienne" #7

Je n'ai malheureusement pas réussi à exploiter convenablement les enregistrements que j'avais réalisé. Mais je me suis pas dégonflé, j'ai opté pour une nouvelle approche. Je me suis lancé dans l'écriture d'une fiction. J'ai pris comme angle " Un Parisien à Lyon". Le récit fonctionne presque comme un conte. Je vous laisse juger du résultat. Kevin Deshayes

Je traîne sur Facebook, par envie ou pas ennui, je ne sais plus tellement. Je passe de vidéos de chat en selfies sans oublier les invitations au jeux. Rien ne capte mon attention et ce jusqu'au passage furtif mais remarqué d'une publication de l'Opéra de Lyon. «Une après-midi dans les coulisses du Ballet de l'Opéra de Lyon ça vous dit ?» Enfin une proposition valable ! Voilà un mois que j'ai quitté ma ville lumière pour cette petite et triste ville qu'est Lyon sans rien avoir à me mettre sous la dents. Heureusement, mes prières on été entendue et la culture est venue à moi telle une lumière dans les ténèbres. Si déjà vous trouvez que je fais du drama, alors vous aller aimer la suite !

Une semaine plus tard, je reçois un mail, qui avant de m'apprendre que je suis retenu pour participer à la Brigade du Ballet, se répand en excuses pour cette réponse tardive. Chance à son expéditeur, je suis de bonne humeur et je le pardonne.

Le rendez-vous est donné mercredi quatorze à quatorze heures devant l'entrée des artistes.

Jour J ! Je me prépare, avec style et élégance comme tout parisien qui se respecte. Je profite du chemin vers l'opéra pour faire une petite parenthèse sur TCL. Le choix douteux du orange pour un métro je veux bien, mais alors l'absence totale et irréversible de réseaux téléphoniques et 4G pendant le trajet ! Qui est le coupable ? Comment les gens peuvent ils survivre dans ces conditions ?!

Me voilà enfin, dans cette glaciale après-midi, arrivé à l'opéra. L'entré des artistes. Les derniers arrivants ont l'air perdu et le regard plein de questions, ils me rappellent les pigeons de Paris. Je vous passe les détails, hautement ennuyeux, de notre accueil par le personnel de l'Opéra. Entrons enfin dans ce temple de la musique et de la beauté !

(ambiance sonore)

Je me suis peut-être un peu emballé … Beauté et musique ont certainement manqué le rendez-vous.

Étage moins 1, moins 2, moins 3, moins 4, moins 5… Cette interminable descente vers les entrailles de l'Opéra a de quoi faire concurrence au voyage d’Orphée. Je comprends pourquoi Offenbach a fait La Vie Parisienne et pas La Vie Lyonnaise.

Si il a fallu les descendre ces étages, il nous faut également les remonter … Je serai bref.

Si notre voyage au centre de la terre m'avait ouvert les portes d'un lieu à la superbe comparable à la mienne, notre ascension m'a conduit dans un endroit tout particulièrement décevant : la salle de représentation de l'Opéra. Mon cœur est meurtri quand je vois le style moderne et "design" de la salle de M. Nouvel. En voilà trop pour moi, parisien habitué à l'Opéra Garnier, ses dorures et son plafond Chagal.

Sortez-moi de là !

Notre guide a dû me voir pâlir, il nous invite donc ENFIN à aller assister à la répétition de L’Arlésienne de Roland Petit. Dernier affront avant de pouvoir assister à ladite répétition, il nous faut enlever nos chaussures.

Me voilà, toute dignité laissée à la porte, enfin prêt à entrer. Je trépigne. Je suis certain d'être celui de la Brigade à être le plus impatient. Je mérite de rentrer avant les autres. Je pousse tous les autres. Je passe devant. Je suis sur le point d'entré. On me demande d'attendre je m'en moque ! La porte est devant moi, je m'y précipite.

Elle s'ouvre et là, c'est le choc !

Je percute une jeune danseuse. Si un regard pouvait tuer, le sien m'aurait laissé sur le carreau. Je me sens tout retourné, plus vraiment moi-même. Elle se penche sur moi tend sa main et me ramasse. Elle me tient tout entier entre ses doigts fins. Je ne sens plus le sol sous mes pieds… Je ne sens plus mes pieds du tout en fait… Je ne suis plus moi... Je suis un Repetto !

Vous avez bien compris : je suis devenu un chausson de danse. Pris au piège dans les mains d'une fée, je ne puis que la suivre.

Elle traverse la salle d'un pas assuré. L'endroit est superbe. Une grande verrière avec une vue imprenable sur Fourvière. Je remarque que je n'ai pas encore pris le temps de visiter la basilique. Si je me sors de cette situation farfelue, je prendrai le temps de le faire.

Ma geôlière s’assoie et sort des pansements de son sac. Elle explique à une autre danseuse qu'en plus des pansements, elle met du scotch de déménagement pour protéger ses pieds. Quel paradoxe que son anatomie ! Elle est mince et gracieuse, semble fragile comme la porcelaine. Cependant, ses pieds meurtris par les pointes et les heures de répétitions parlent pour elle. Ils sont le reflet d'un caractère solide, passionné et déterminé ! Elle est belle ma danseuse.

Enfin elle me saisit. Là débute un moment quasi érotique entre nous deux. Elle me confit son pied et de mes rubans de satin j'enlace sa cheville. Nous ne faisons plus qu'un.

Une fois cette étreinte terminé, elle s'échauffe. Elle est d'une souplesse remarquable. Ils le sont tous d'ailleurs. Leurs corps se préparent. Ils tirent sur leurs jambe, plient leurs dos, tendent leurs bras. Certains sont de leurs cotés et semblent se motiver intérieurement, d'autres sont en petit groupe et s'aident et se conseillent. Je ne peux m’empêcher de reconnaître qu'il règne un esprit de famille dans cette compagnie.

Ma danseuse interrompt brusquement son échauffement et d'un pas léger et rapide rejoint les autres danseurs quand une vielle femme entre dans la salle.

La musique se lance !

Elle me plie, elle me tend, elle me jette, elle me fait tourner, elle me tape au sol. Quelle douleur ! Quel bonheur ! Quelle splendeur !

Elle est essoufflée, sa poitrine va et vient au rythme de son cœur. Sa peau brille sous l'effort. Elle est belle ma danseuse.

La vielle dame ne ressemble pas au stéréotype de la professeur de danse que j'imagine.Elle parle et encourage ma danseuse et le reste de la compagnie. Elle ne donne pas d'ordre, elle n'est pas sévère. Elle me fait penser à une mère face à ses enfants. Exigeante mais aimante.

Je vois les pieds, uniquement des pieds. En chaussettes ou chaussons. Ils sont un instant de solides piliers et dans la seconde qui suit, ils s'envolent en nués.

Je suis enivré par l'expérience. Je ne vois plus le temps qui passe. Ma danseuse est à bout. Elle fatigue, je culpabilise. C'est peut-être de ma faute, je ne suis peut-être pas assez fort pour elle, assez doux avec elle, il se peut que je manque de rythme. Elle va s'asseoir et dans un soupire elle se relâche. La répétition est finie.

Ma nymphe à bout de force fait glisser ses mains vers moi. De moi-même, je dessers mon étreinte et je me laisse glisser sur sa cheville. Elle me retire de son pied et comme si nous étions deux vieux amis qui se disent adieu, je sens mon cœur se serrer.

Je retrouve petit-à-petit mes sensations. Me revoilà. Assis sous le toit de verre de la salle, alors que les autres personnes du groupe discutent avec deux danseurs qui sont restés pour échanger avec nous. Je ramasse mes affaire rapidement et tout aussi vite je me glisse derrière les autres pour entendre la fin de la discussion. Je l'avoue, je ne prête qu'une demi oreille à ce qui se dit. Je recherche ma danseuse. Est-elle partie ? A-t-elle seulement existé ? Je pense que je ne le saurai jamais.

Je regarde les travaux des autres membres de la Brigade. Ils sont doués ! Ils sont sympas, le contact est facile. Je me sens bien finalement ici. Nous échangeons quelque mots et une poignée de main avec notre guide. Je disparaîs dans ma veste et mon écharpe avant de pousser la porte de l'Opéra. C'est la tête légère, et à pied, que je vais visiter la ville, le pas rythmé par la musique et la beauté de la vie lyonnaise.

Suivez la guide !

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