Dans les coulisses de "L'Arlésienne" #8

Un mercredi après-midi frisquet mais ensoleillé, une dizaine de dessinateurs, de photographes, de vidéastes et d’écrivains amateurs, Opéra de Lyon, répétition du corps de ballet de "L’Arlésienne". Voici un petit résumé de cette très belle expérience… Manon Chevalier Vivier

Découvrir l’Opéra de Lyon et son ballet de cette façon, j’en rêvais. Et quand je me suis attardée, à la sortie de ma visite du grand studio un samedi, sur un panneau intitulé “Brigade du ballet”, je ne m’attendais pas à ce qu'il soit possible de proposer un tel après-midi. Autant vous dire qu’à peine rentrée à la maison, j’ai accaparé pendant toute la soirée l’ordinateur pour essayer d’écrire une “candidature motivée” digne de ce nom.

Et, mercredi quatorze octobre, quatorze heures, me voilà à attendre dans le hall de l’entrée des artistes. Peu à peu, tout le monde arrive et Pierre-Henri Alquier et Benjamin Mialot nous expliquent comment se déroulera la séance, nous débrieffent sur le corps du ballet que l’on verra danser une heure plus tard.

La séance commence par une visite très complète de l’Opéra. Nous descendons des escaliers pour arriver à l’étage -5, dans les entrailles de l’Opéra, où nous découvrons une salle de répétition. Les décors principaux de Carmen y sont installés et deux danseurs s’échauffent dans un coin, écouteurs aux oreilles, portant de drôles de chaussons bleus et noirs. Une imposante charrette décomposée plane au-dessus de nous, accrochée aux grilles du plafond, tandis qu’une toile peinte tendue recouvrant tout le mur arrière cache en réalité un ascenseur gigantesque, permettant de transporter tous les décors jusqu’à la scène.

Nous remontons ensuite d’autres escaliers pour rejoindre une salle un peu étrange, véritable bocal vitré pour le choeur d’opéra en contrebas et couloir pour les habilleuses au-dessus. Quelques costumes sont pendus sur des cintres et une habilleuse repasse un habit rouge. Au fond de la salle, pendant que l’on nous explique rapidement le travail des habilleuses, je m’attarde sur une multitude d’affiches sur le mur du fond, toutes dans les tons rouges.

Encore une fois, nous prenons des escaliers (et nos mollets commencent à nous le faire ressentir). Nous marchons ensuite, suivant nos guides dans un dédale de couloirs où l’on a vraiment du mal à se repérer. Nous faisons rapidement une escale dans une petite salle réservée aux concerts de jazz et de musiques du monde. La pièce est faite en escaliers, avec des petites tables rouges ou noires et il y règne une ambiance feutrée.

Nous prenons ensuite un ascenseur pour atterrir dans une salle nommée “foyer”, où nous nous attardons peu.Bien que j’y sois déjà venue, je trouve cette pièce magnifique et ne peux m’empêcher de prendre des photos des lustres qui pendent depuis le haut plafond, majestueux.

Par le foyer, nous pénétrons dans la salle de spectacle. Ici règne une étrange atmosphère, comme si le temps était suspendu. Je distingue des formes (les décors) recouvertes de draps blancs et vois des rideaux de velours rouge suspendu par des ficelles invisibles. Je m’approche des barrières et me penche, découvrant alors la fosse des musiciens où patientent des partitions et des instruments. Derrière moi se trouvent les sièges noir métal, les balcons percés, les spots prêts à illuminer la scène.

Finalement, nous sortons de la salle, brusquement éblouis par la lumière du jour. Nous parcourons de nombreux couloirs, puis prenons à un ascenseur qui nous propulse dix étages plus haut. Sous des escaliers en fer, nous déposons nos chaussures les unes à côté des autres (pas question d'abîmer le sol du studio !).

Et enfin, nous y sommes ! Malgré la faible luminosité et le ciel tirant sur le gris (les petits caprices du mois d’octobre), la salle reste très lumineuse. Elle est également très spacieuse, et le miroir est immense. Après une brève explication de la séance par nos guides, je me glisse derrière les barres et me faufile jusqu’à un coin de la salle où je peux m'asseoir à mon aise sans déranger les danseurs. Je m’installe et je sors mon petit matériel qui se résume à mon appareil photo, mon carnet et ma trousse.

Les danseurs arrivent peu à peu et le niveau sonore augmente, les langues se mélangent, bien que domine l’anglais et le français. Certains danseurs s’étirent, d’autres consultent leur smartphone tandis que quelques-uns discutent. Des petits groupes se forment, des rires fusent dans la salle, une danseuse me sourit.

“Okay” résonne dans la salle et tout le monde se lève pour former une ligne face au miroir et à la femme qui vient de parler : la chorégraphe. Une musique débute, ils se baissent tous, comme rappelés à un ordre que l’on ne peut pas percevoir.

Et la magie surgit, comme ça, brusquement. Ils dansent, ils bougent dans un parfait accord. Dans le miroir, les mains tourbillonnent, effleurant le reflet de Fourvière. Les danseurs s’animent d’un même mouvement, telle une armée de pantins. La musique s’accélère et les danseurs ne font plus qu’un. Puis elle s’arrête et les propositions, les questions, les réflexions s’ensuivent.

On pourrait naïvement associer la danse classique à la rivalité, à la droiture, à la froideur. Bien sûr, les danseurs sont concentrés et attentifs, mais l’ambiance est d’or. Ils rient, s’entraident, évoluent dans un ensemble joyeux. Pas une fois durant la séance on ne ressent de la pression, de la concurrence. Les danseurs sont passionnés, heureux d’être là, ça se lit sur leurs visages.

Le silence tout à coup, les premières notes d’une mélodie grave, accompagnée d’une danse lente, comme triste et mélancolique. La chorégraphe observe ses danseurs, la mine concentrée, indéchiffrable puis ses traits se relâchent et elle mime un sourire, déclarant “Nice, very nice !”.

​​Visages fermés ou souriants, chignons, tresses ou queues de cheval, joggings larges, leggings serrés ou collants, chaussettes, pointes ou pieds nus : c’est fou de voir comme les danseurs diffèrent tout en formant un ensemble on ne peut plus accordé. Les mains qui claquent, les pointes qui tapent, le rythme s’accélère et toujours résonne la voix de la chorégraphe qui compte “one, two, three, four” (ce refrain continuel).

Pour finir, nous rencontrons deux danseurs qui ont eu la gentillesse de nous accorder leur (précieuse) pause. Nous pouvons donc leur poser quelques questions. À la question “Quel est votre plus beau souvenir en rapport avec votre métier (danseur) ?”, l’un des deux nous raconte, encore des étoiles pleins les yeux, lorsqu’il avait dansé devant le temple d’Angkor et nous confie qu’il préférait les moments où il devait danser dos au public, juste pour pouvoir admirer le temple. L’autre nous décrit la fois où il avait dansé au château de Versailles et, un sourire aux lèvres, se rappelle la course folle des jardins jusqu’au château qu’il était obligé d’effectuer pour changer de costume.

J’ai passé une après-midi merveilleuse et je remercie ceux qui ont tout organisé pour que l’on puisse en profiter au maximum. Le fait de pouvoir poser des questions aux danseurs, de pouvoir les observer dans l’intimité de leur répétition, de découvrir le Ballet et l’Opéra de cette manière est vraiment magique. C’est une expérience géniale que je n’hésiterai pas à conseiller !

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