Honnêteté

Par Régis Jauffret (France). Distingué par de nombreux prix pour ses textes, Régis Jauffret explore sans relâche et sans concession les zones d’ombre de la psyché, comme dans Microfictions (Gallimard, 2007), cinq cents histoires tragi-comiques, à la fois banales, cruelles et monstrueuses. Il poursuit son portrait d’une humanité minée par la folie et le désespoir avec son dernier livre, Bravo, mosaïque de seize fictions autour de la vieillesse et de la mort. Parfois cru, tout en sachant aussi faire preuve de délicatesse, l’auteur dit l’absurdité de nos existences.

Je ne me prononce pas aujourd’hui sur cette notion dans son acceptation courante dont la transgression est sanctionnée par la loi dans notre Europe et la plupart des civilisations qui se sont succédé à travers l’histoire.

Je veux parler de l’honnêteté en littérature. Son envers est la médiocrité, la nullité, le talent absent ou décédé du vivant de l’écrivain. Le seul état d’esprit compatible avec l’écriture, c’est l’humilité. Se mettre au travail en sachant que votre œuvre passée – serait-elle La recherche du temps perdu – ne peut rien pour vous. Savoir qu’on repart à zéro, qu’on écrit toujours son premier roman, son premier chapitre, sa première phrase.

Certains n’accèderont jamais à la clarté du texte, la limpidité, cette beauté première du roman qui fait que lorsque on dit : Il est entré dans la pièce, a ouvert la fenêtre. Dans le ciel passaient un avion et une mouette, on voit la personne, la porte, la pièce, la fenêtre, l’avion et les oiseaux…

Sans humilité, aucune langue ne vous donnera jamais rien. Celui qui recèle en lui la moindre brume d’honnêteté aura le courage de jeter son travail mort-né, de ne pas le faire publier et de ne pas avoir l’effronterie de venir le défendre devant le public. D’échec en éclaircies, l’auteur intègre accèdera peut-être un jour au talent.

Ils sont nombreux les auteurs qui ont écrit en état d’orgueil et proposent avec une tardive et inutile modestie ou une effronterie renouvelée, leur œuvre au public. Qui prouvera jamais que je ne fais pas partie de la cohorte ? Voilà le genre de texte qu’on est susceptible – à juste titre, peut-être – de me renvoyer à la gueule. Bien fait pour moi.

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