Hubris

Par Diane Meur (Belgique). Romancière, elle est également traductrice. Son dernier ouvrage La Carte des Mendelssohn, grande épopée symphonique, s’attache aux figures excentriques, à l'histoire du monde et des communautés à travers la généalogie du célèbre compositeur. Diane Meur nous livre les détails passionnants de sa propre enquête : ses errances, ses découvertes émaillent et guident le récit de la saga familiale.

N’étant pas helléniste, j’évite généralement d’employer des mots grecs, car j’y verrais de ma part une certaine cuistrerie. Alors pourquoi en choisir un lorsqu’il s’agit de résumer ma démarche romanesque ? Eh bien, justement. Dès qu’un roman me vient, j’acquiers des traits de caractère totalement opposés à ma personnalité discrète, raisonnable, scrupuleuse. Plume en main, ou clavier sous les doigts, la discrète se mue sans crier gare en amok déchaîné, en mégalomane à peine freinée par son sens de l’autodérision. Hubris : c’est l’excès, la démesure, le manque absolu de prudence ou d’égards. La morgue insolente de qui s’arroge la part du lion, de qui outrage, brutalise, insulte à « l’ordonnance cosmique et humaine », m’apprend le Vocabulaire européen des philosophies. Bigre. Trop tard pour reculer, il faut bien que j’assume. Hubris ! Mes narines palpitent, mon cœur bat plus fort, déjà l’idée est là, monstrueuse, énorme, un défi au bon sens. « Tu ne vas tout de même pas… – Quoi ? Faire raconter par une maison un siècle de l’histoire d’un pays où je n’ai encore jamais mis les pieds ? Bâtir ex nihilo une cité antique, lui prêter des mythes fondateurs, des rituels rigides, à seule fin d’en orchestrer ensuite la fracassante subversion ? Débusquer les sept cents descendants d’un philosophe des Lumières et en tirer une histoire qui tienne à peu près debout ? Et comment, que je vais le faire ! D’ailleurs je n’y peux rien, c’est plus fort que moi. Rendez-vous dans deux, trois ans : d’ici là, je n’y suis pour personne. »

Ce que je viens de décrire, ce sont pourtant au fond des contraintes romanesques, contraintes qui m’obligent à un travail de construction minutieux et chronophage, à des investigations de fourmi. De quels excès plus monstrueux encore ai-je donc besoin de me prémunir en m’imposant tout cela ?

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