PLATEAU D'EMPARIS

ÉMOTIONS DE TOUTES NATURES

Une randonnée intense, à divers titres, du début jusqu’à la fin, et qui remplit le regard de chocs visuels successifs jusqu’à le faire déborder tant les paysages sont exceptionnels, variés et emblématiques.

La balade, si on peut l’appeler comme ça au départ, commence par un sentier qui traverse les pentes abruptes qui dominent le lac du Chambon, pentes sous lesquelles, un peu en amont, s’est écroulé le tunnel il y a maintenant plus d’un an. Ces contreforts vertigineux s’appellent l’Ardoisière : le GR, car c’en est un, taille un chemin étroit dans la poussière d’ardoise, parfois guère plus large que les deux pieds côte à côte, et qui vous fait immédiatement comprendre pourquoi cette aventure est sérieusement déconseillée par temps humide !

GR ArdoisePar temps sec et ensoleillé, il n’y a pas de danger – à part celui de se faire surprendre par une ardoise qui se détacherait quelques dizaines de mètres plus haut – mais on est quand même rassuré que quelques câbles soient régulièrement installés pour éviter tout faux-pas hasardeux. Rarement dans une promenade on regarde si méticuleusement ses propres chaussures et lorsque de temps en temps on lève les yeux, il arrive qu’une légère émotion vous monte des tripes – « Non, c’est une blague, je ne vais pas passer là-bas ! » – en découvrant où le sentier vous emmène. Evidemment en approchant on se rend compte que le passage n’est pas plus périlleux que ce qui a été déjà franchi, mais les perspectives sont impressionnantes, et vous vont parfois réfléchir à des solutions de repli ou de retournement. De trois-quart arrière s’étale le Lac du Chambon, dont la couleur vert de gris est due aux roches ardoisières, et que l’on a de cesse de photographier ; mais à certains endroits le cliché, si beau soit-il, ne mérite pas la gageure de se retourner : mieux vaut atteindre un replat assez large et sécurisé !Lac du Chambon

On arrive enfin vers des pentes plus hospitalières et verdoyantes, à proximité du refuge des Clots. Commence alors une montée qui fait également battre le cœur, mais pour le coup au sens physiologique du terme. Autant la première partie progressait en pente douce mais sur un parcours osé, autant celle-là grimpe en lacets serrés, dans un fort dénivelé qui ne présente plus de danger, excellent pour le cardio training une fois que l’on a pris son rythme. Rapidement on tend l’oreille, car même en plein été, sans qu’il n’ait vraiment plu les jours précédents, les chutes d’eau que l’on découvre soudain garde un débit très sonore. Elles sont larges, la roche est lissée et ruisselante, et après quelques dizaines de mètres de plongée verticale, l’eau se rue sur des toboggans où toute glissade serait fatale. Un véritable festival audio-visuel ! Cascade de la Pisse

Le sentier amène au-dessus de ces cascades, où inévitablement, on est tenté d’approcher du bord pour prendre une photo aérienne des trombes d’eau qui se précipitent dans le vide. Idée fort peu intelligente et déconseillée : seule solution le drone.

Divagations. La pente se radoucit, le terrain est sûr, les premiers alpages apparaissent, l’esprit se détend, le corps est soumis à moins rude épreuve, les pensées commencent à divaguer. « Tiens, faire un article sur le livre de Delphine de Vigan – D’après une histoire vraie – que je viens de terminer ce matin au petit-déjeuner » ; « Dire que c’est le genre de bouquin que l’on a envie de dévorer sans souffler tellement on est en empathie avec le personnage principal mais que l’on se réfrène d’avaler trop rapidement car on s’y sent bien et que l’on a envie que ça dure » ; « Non, c’est horriblement cliché ; mais en même temps c’est vrai, sans ça je l’aurais fini en milieu de semaine ! ». Et sans s’en rendre compte on rejoint tranquillement … la route. Je n’avais pas particulièrement fait attention sur la carte, ni même imaginé que cela soit possible, ne connaissant pas ce lieu, le Plateau d’Emparis, pourtant l’un des plus réputés et fréquentés par les randonneurs, mais une route en terre, venant du village d’où je suis parti conduit sur le plateau où s’égrènent ruines, chalets restaurés et refuges.

AlpagesRuisseauBeauté sauvage. Passée la surprise, je continue le chemin qui serpente entre ruisseau et alpage, jusqu’au Col du Souchet. Le choc visuel est alors très largement à hauteur des efforts consentis pour grimper jusqu’à ce point de vue unique. La Meije, le Rateau et les Glaciers de la Girose et du Mont de Lans s’offrent à vous dans un cinémascope gigantesque et naturel, dont le regard n’arrive plus à se détacher. De toute façon, il est captif car le massif embrasse l’horizon. On écarquille les yeux et on ouvre la bouche tant on a envie de s’emplir de cette émotion esthétique rare. Le panorama dégage une sensation de beauté sauvage qui vous attire et vous fascine et qui en même temps vous repousse par sa puissance. La Meije CinémascopeEt vous assoit. Il est 12h30 ; l’œuf dur et le sandwich pain de mie – jambon ont un goût gastronomique dans de telles circonstances. Une bouchée, on mâche et on regarde. Ce décor époustouflant est à la la limite du réel : trop imposant, trop absolu, trop là en face de soi. Et en même temps on se rappelle avoir skié dans ce cadre fabuleux où la moindre descente dure presqu’une heure. Mais devant ce spectacle monumental, les neurones ont du mal à connecter et à associer ce que l’on voit et le fait qu’on y a gambadé. La sieste sous la protection de La Meije s’impose, moment de calme total presqu’en lévitation.

Lac Noir seulLac LériéCarte postale grandeur nature. Du col du Souchet il faut à peine un quart d’heure pour atteindre le Lac Lérié, petite étendue d’eau nichée au bord de la falaise, quasi « piscine naturelle à débordement » dominée par la Meije. Et quelques minutes plus loin, apparaît la carte postale suprême. Le lac de montagne – Lac Noir, 2455 m d’altitude – aux eaux bleutées, étalé, quasi alangui, dans un paysage d’alpage et de rocaille où paissent les vaches. Elles sont d’ailleurs plutôt couchées, partageant leur garde-manger avec les promeneurs et quelques baigneurs intrépides. Indispensables au panorama. Petite tâches brunes pigmentant le vert environnant.

Lac NoirImaginez vous un instant metteur en scène. Le décor semble idyllique ; tout le monde a fait son maximum pour obtenir ce plan qui représente l’archétype de la situation. On ne touche plus à rien. Pourtant dans votre dos une présence pèse. Depuis que vous l’avez découverte cette vue du massif de la Meije vous obsède. « Coco, on va essayer un truc ; prends le matos ». Et mètre par mètre vous tournez autour du lac. La perspective se dévoile petit à petit. D’abord le Grand Pic qui surgit à l’horizon, puis le Râteau qui vient s’aligner, et pas après pas, le Glacier qui s’inscrit dans le tableau. Le temps ralentit, chaque seconde compte, jusqu’au moment où, debout, les larmes qui montent aux yeux, vous criez « Là, Coco, on est bon, shoote ! ».

Redescente en douceur en passant devant les Lacs Cristallins, étendues asséchées aux arêtes abruptes, dont la dénomination de lac ne doit se justifier qu’au printemps ou lors de fortes précipitations.

Cette idée de randonnée venait d’un site qui proposait une boucle que j’avais rallongée d’une seconde boucle pour parcourir le Plateau d’Emparis. Cette merveille est accessible à tous. Familles avec enfants en bas âge dans des portes-bébés puisque qu’une route en terre amène jusqu’à 2200 m ; depuis le Chazelet pour une randonnée de 750 m de dénivelé ; ou crapahuteurs et amateurs de sensations fortes pour un petit 1500 m de dénivelé (trace bleue, l’IGN ne permettant pas de choisir sa couleur).

Envers EmparisDernières émotions. Revenu au point haut de la boucle initialement prévue, il ne reste plus qu’à retourner vers le point de départ. Le vent s’est levé, au loin des nuages commencent à recouvrir La Meije. Au bout de cinq minutes je perds la trace sur cette partie de plateau totalement découverte et inconnue. On se fait rapidement un film : est-ce bien raisonnable après une journée si sympathique de s’égarer ? Où en est ma batterie de téléphone ? Ne serait-ce pas plus prudent de redescendre par là où je suis monté ? Ceci dit je ne suis encore qu’à cent mètres des derniers chalets qui bordent la fameuse route en terre ! Et recadré par le GPS, je retrouve le sentier bien marqué qui bascule sur l’autre versant. Au début un paysage sauvage où je marche totalement solitaire et rapidement les flancs de montagne se découvrent zébrés de chemins larges et rassurants. La descente est souvent assez directe, excellent entraînement pour les quadriceps dans la perspective de la saison d’hiver, parfois entrecoupée de quelques plats, voire faux-plats légèrement montant, qui sont les bienvenus pour soulager momentanément les cuisses.

Route MizoenInévitablement le sentier repasse par l’Ardoisère et ses pentes abruptes. Dernières émotions atténuées par la vision du village en contrebas et de la route au loin qui serpente et vers laquelle on pourrait toujours rebrousser chemin. Juste avant d’arriver au hameau de Singuigneret, un oratoire en pierre séchée semble veiller sur les randonneurs qui sont parvenus jusque là !

Il ne reste plus qu’à traverser quelques ruelles et longer un bout de route forestière pour retrouver le parking et mettre un point final à cette journée exceptionnelle, pleine physiquement et qui vous fait vibrer d’émotions fortes et diverses tout au long du parcours.

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