LE DISCIPLE de Kirill Serebrennikov

Radicalisation au grand jour

Kirill Serebrennikov, dont on peut lire une longue interview cette semaine dans Télérama, met en scène une tendance qu’il a vu se développer en Russie depuis l’adoption d’une loi qui autorise tout à chacun à porter plainte s’il s’estime heurter dans ses convictions religieuses. Cette loi a été conçue après le happening des Pussy Riot dans une cathédrale en 2012, et est devenue une arme redoutable contre les opposants et les artistes qui ne roulent pas pour le régime.

S’appuyant sur un dispositif simple qui nous indique d’où sont extraites les tirades scandées par ce jeune homme qui se radicalise, le réalisateur passe en revue les thèses des intégristes religieux de toutes confessions : la volonté de faire disparaître le corps des femmes, la haine et le dégoût de l’homosexualité, la négation de l’évolution et la promotion du créationnisme.

La religion orthodoxe étant redevenue un pilier des classes dirigeantes russes, les autorités du lycée se montrent particulièrement indulgentes voire complaisantes à l’égard de Veniamin. Seule une professeure de biologie tente de faire entendre la voie de la raison et de la science, mais se heurte au conservatisme de sa hiérarchie et à la présence croissante du pope local, qui sous ses airs de bonhomie, cautionne les propos les plus réactionnaires, dans une volonté de ne pas se laisser dépasser par le lycéen.

A aucun moment le film n’est pesant car il alterne les déclamations des saintes écritures, qui se révèlent souvent d’une actualité inquiétante par rapport à certains discours qui resurgissent de nos jours, et les confrontations quasi comiques entre les protagonistes lorsque les caricatures sont poussées à l’extrême. C’est aussi ce qui fait la force et la pertinence de dénonciation de ce film : juxtaposer scènes quotidiennes et sermons datant de deux milles ans !

Mais c’est évidemment aussi son côté tragique : qu’au début du XXIème siècle, des thèses obscurantistes réapparaissent, et pas seulement depuis des contrées lointaines, et s’installent dans le paysage politique de nombreux états, du nord au sud et de l’est à l’ouest !

En s’appuyant sur une réalité russe qu’il côtoie et qu’il subit, Kiril Serebrennikov fait du Disciple une critique universelle du retour de la religion au premier plan de l’espace public, dangereux engrenage pouvant conduire à la radicalisation et sa cohorte de pensées rétrogrades.

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