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Quand on arrive en livre !

BERNARD BUFFET, Rétrospective, MAM, Paris

Itinéraire d’un peintre prodige !

Bernard Buffet fait partie de ses artistes dont le trait est reconnaissable à peine les yeux posés sur un tableau. Contours sombres, lignes tendues, regards lointains et insondables, visages exprimant la pesanteur. Il fait également partie de ces peintres qui divise le public de manière franche et irréconciliable, autant que son trait crée sur la toile le dehors et le dedans. Enfin il fait partie de ces talents qui surgissent à peine l’enfance terminée : l’année de ces 19 ans, premier tableau exposé et remarqué, puis première exposition particulière et premier achat d’une oeuvre par l’Etat pour le Musée d’Art Moderne !

Bernard Buffet a connu un succès immédiat et fulgurant. A 27 ans il arrive en tête d’une enquête du magazine Connaissance des Arts qui désigne le meilleur peintre d’après-guerre. Dès 1950 il vit avec … Pierre Bergé, qui rapidement va gérer sa carrière.

Sobriété, dépouillement, présence

La fresque qui accueille le visiteur avant même de pénétrer dans l’exposition est une scène célèbre de tauromachie qui éclate de couleurs et dont la composition est luxuriante, datée de 1966. Pourtant dès le seuil franchi on découvre son univers de jeunesse : une sobriété et un dépouillement qui au contraire ferait plutôt penser à la maturité d’un artiste qui aurait atteint une sorte d’économie de moyens pour exprimer l’essentiel en quelques traits. Un personnage, voire deux dans Deux hommes dans une chambre, de grands aplats pour le décor, quelques accessoires, des perspectives aplaties et une présence magnétique. On voudrait croiser ces regards fuyants qui quoi que l’on fasse visent un horizon au-delà de nous. On voudrait saisir cet instant qui a rendu ces personnages si pensifs, si proches et si lointains.

le-clownSerial painter !

Bernard Buffet peint en quantité, ce qui lui permet rapidement de fournir des expositions quasi annuelles et il peint par thèmes : la passion du Christ, le cirque, les oiseaux, les folles, les écorchés. Autant de sujets qu’il absorbe puis restitue avec une puissance envoûtante, la couleur venant petit à petit renforcer la fascination qu’exercent les oeuvres sur le spectateur. Défier le regard du fameux « Tête de clown » vous plonge dans des abîmes de réflexion sur la profonde tristesse de l’amuseur professionnel ; il semble vous demander si vous percevez ce qu’il y a au delà du maquillage ou si vous restez à la surface des visages ; vous voudriez vous concentrez mais ce nez rouge en plein centre attire votre regard puis vous précipite ensuite dans le sien et le fond bleu vous noie ; vous secouez la tête, retour au nez rouge, …

oiseaux-bernard-buffetExplosion de couleurs

Les couleurs vous submergent avec Les Ecorchés, qui à l’époque a dû faire polémique, avec ces visages sanguinolents qui semblent vous supplier de mettre fin à leur martyre. Elles s’accumulent sur ces tableaux psychanalytiques où des oiseaux monstrueux dominent des femmes offertes, ou plutôt une femme, qui a la morphologie d’Annabel Buffet. Ce serait presque de la sculpture tant la matière est épaisse et surchargée. Elles festoient dans ces séries Les Folles ou dans La Corrida, oeuvres de la fin des années 1960. Dans le milieu des années 1970, les couleurs refluent pour laisser la place à des camaïeux bruns ou bleutés, en particulier dans la série sur l’Enfer où s’affichent des corps suppliciés et son obsession de plus en plus prégnante de la mort.

annabel-buffetAnnabelle

Elle est évidemment indissociable de sa vie. Coup de foudre à 30 ans alors qu’il vient de quitter Pierre Bergé, ils feront le couple people de l’époque et il la peindra et la dessinera sous toutes les coutures, lui consacrant une exposition, Trente fois Annabel. Le tableau de 1960, Annabel à la natte, est sans doute l’expression la plus sobre et pourtant la plus sensuelle de sa passion, dans le style dépouillé de ses oeuvres de jeunesse. Il s’en dégage une douceur irradiante et l’envie irrépressible de caresser cette nuque offerte. Ils formeront un couple fusionnel, à tel point qu’elle écrira peu temps après le suicide de Bernard Buffet, un livre titré Post-Scriptum, où elle avoue son désarroi de rester seule.

Adulé puis maudit

Autant il a connu un succès foudroyant et quasi-unanime dès les premières années, autant les vingt dernières Bernard Buffet a traîné une image de peintre controversé en France. Pourtant il a reçu tous les honneurs que la République offre à ses citoyens les plus méritants et prestigieux : Légion d’Honneur, Académie des Beaux Arts, commande de timbres pour La Poste, … Mais son pays semble le délaisser alors qu’à l’étranger il continue d’être largement exposé et que de nombreuses rétrospectives lui sont consacrés. En particulier au Japon qui sera une deuxième patrie et où un musée lui a été dédié.

Insondable

C’est peut-être ce mot qui résume le mieux l’impression que l’on ressent, en particulier au spectacle des oeuvres des premières années. Il a peint de nombreux auto-portraits et c’est sans doute celui choisi pour l’affiche de l’exposition, Autoportrait sur fond noir, de 1956, qui est le plus caractéristique de cette sensation. Le personnage du tableau, lui en l’occurrence, arbore ce regard perdu et pensif habituel, en face de la toile qu’il est en train de peindre. Et soudain on repense à toutes ces figures qui vous toisaient, et qu’on imagine alors questionnant leur propre créateur. Je défie quiconque de ne pas rester songeur devant cet oeuvre d’une simplicité absolue et pourtant qui donne le vertige.

Bernard Buffet, Rétrospective, Musée d’Art Moderne de Paris, jusqu’au 26 février 2017

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