LA LA LAND de Damien Chazelle

Agréablement déçu !

L’unanimité dithyrambique qui entoure le film ne peut qu’éveiller un soupçon de méfiance ! D’autant que la critique s’extasie sur la grâce avec laquelle le réalisateur réhabilite la comédie musicale, et nous ramène aux plus grandes heures hollywoodiennes signées Stanley Donen. Affirmation risquée pour un fan inconditionnel comme je le suis de « Singing in the Rain » !

Pourtant La La Land vous saisit d’entrée avec ce qui constitue sans doute le morceau de bravoure du film côté comédie musicale. Et d’ailleurs les seuls qui n’y dansent pas sont Emma Stone et Ryan Gosling. A y repenser maintenant, cela situe leur apport aux scènes chantées et dansées. Ils les effectuent avec beaucoup d’élégance et de charme, mais bien évidemment à aucun moment ils ne nous éblouissent ou ne nous emportent comme Gene Kelly, Debbie Reynolds et Donald O’Connor, qui étaient des danseurs professionnels et qui n’avait pas non plus de leçon à recevoir quant à leur jeu d’acteurs.

Pourquoi en revenir à cette oeuvre mythique qu’est « Chantons sous la pluie » ? Tout simplement parce que les deux films ont pour sujet l’industrie du cinéma et du divertissement, et que même si les intrigues et leur traitement sont différents, époque oblige, le déferlement médiatique qui accompagne La La Land et l’élève au niveau des ses glorieux aînés, force au rapprochement. Pourtant si 65 ans après sa sortie, l’un reste une référence – parce qu’il traite du moment historique où le cinéma bascule dans le parlant et surtout par la qualité exceptionnelle et la créativité de ses chorégraphies et la virtuosité des ses interprètes – je parie sans risque que le second laissera dans quelques années au mieux la trace d’un film agréable au parfum légèrement nostalgique, alors que le premier restera solidement campé sur son piédestal.

Et si on rembobinait ?

Si l’on aborde ce petit bonbon sucré qui cache une légère saveur acidulée, en faisant abstraction de l’euphorie journalistique à courte-vue et que l’on ne cherche pas à en faire le phoenix d’un genre révolu, il se déguste avec beaucoup de plaisir et d’émotion. Ce n’est pas à proprement parler une comédie musicale, style qui vaut en priorité par ses numéros « de claquettes », mais dont le scenario n’est souvent guère plus épais qu’une feuille de papier à cigarette. C’est un film dans lequel le réalisateur utilise avec beaucoup de fluidité et de justesse le chant et la danse pour que les personnages principaux expriment leur désirs, leurs souffrances, leurs petits bonheurs et leurs sentiments amoureux.

Ryan Gosling connu pour son air mutique et ténébreux, n’a sans doute jamais autant parlé ni souri au cinéma et il traverse le film avec son élégance naturelle. Il esquisse ses pas de danse avec détachement et cette souplesse dans le bassin qui permet de faire glisser les pieds sans que les hanches ne s’emballent, laissant le haut de son corps, libre et décontracté, s’exprimer, accompagner sa partenaire et tout simplement jouer son rôle d’acteur.

Peut-on réussir ensemble ?

Mia et Sebastian enchaîne les petits boulots tout en cultivant chacun son rêve de devenir, elle, une actrice reconnue et lui, un pianiste de jazz ouvrant son propre club. Ils enchaînent castings et désillusions, acceptent des emplois alimentaires, dont un rôle de clavier-guitare revival eighties qui provoque chez Emma Stone quelques moqueries peu charitables mais compréhensibles. Mais malgré les déceptions, chacun soutient l’autre, l’assurant dans les moments de découragement qu’il a un réel talent, et qu’il doit persévérer.

Le premier, Sebastian décolle, grâce à une ancienne relation dont il ne semble pourtant pas garder le meilleur souvenir. Mais on lit le doute et l’incompréhension dans le regard de Mia lorsqu’elle découvre lors du premier concert le glissement du groupe du jazz vers le funk, soutenu par des choristes-danseuses. Trahit-il son idéal ? Lui voit cet engagement et les tournées qui s’enchaînent et qui les éloignent comme sa route vers l’objectif qu’il n’a jamais renié. Elle se demande si la séparation sera supportable, d’autant qu’après une première saison il repart. Ne l’a-telle pas encouragé à saisir sa chance ? N’était-ce pas ce qu’elle voulait pour lui ? Se sont-ils mal compris ?

Il la convaincra quelque temps plus tard de tenter une dernière fois sa chance, pour une production qui l’emmènerait à l’étranger. Doivent-ils prendre le pari de se séparer pour vivre leur rêve ? Se retrouveront-ils lorsqu’elle aura terminé son film et lui ses tournées ?

Dans une atmosphère évidemment plutôt légère où se mêlent morceaux de pianos joués par Ryan Gosling lui-même, duos et ballets, Damien Chazelle distille ses petites questions existentielles et ses réflexions sur la difficulté de conduire à bien deux ambitions sans que les chemins ne s’écartent au risque de ne plus se rejoindre. Jusqu’au tourbillon final où les sentiments enfouis resurgissent, où chacun semble se demander si leur résolution, justifiée dans l’instant, ne leur laissera pas des regrets éternels, secret saignement qui parfois se raréfie mais jamais ne se tarit.

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