Intelligence des corps sur fond de joie- I New then

Mon point de vue est celui d'une femme de quarante ans qui ne connait rien à la danse mais qui aime profondément le langage du corps. Par Virginie Lapierre

Sous la voûte aux étoiles, aujourd’hui nuageuse, on respire.

Un mur de miroirs face à la baie vitrée réfléchit la ville, ses bâtisses anciennes, ses toits rouille et gris, les dorures de l'hôtel de ville, et ce ciel, bas, pluvieux, d'un gris presque blanc.

Au niveau de mes yeux, un monde fou, qui bouge dans tous les sens, virevolte, s'enlace et se dénoue, passant d'une figure à l'autre, d'un petit saut à un glissement.

La musique se déclenche : chacun semble savoir ce qu'il a à faire, bien que les répétitions de I new then, de Johan Inger, aient à peine commencé. L'ensemble est joyeux, aérien, drôle, c'est un fouillis organisé au sein duquel les corps répètent une mémoire plastique.

L'ambiance est riante. Il faut dire que l'instructeur enseigne avec une bienveillance enthousiaste et souriante. Il est beau. Il est jeune. Il est clair et doré. Il est une lumière qui guide.

Les danseur-se-s travaillent avec concentration mais sans les tensions auxquelles ont pourrait s'attendre. Des rires, des sourires, le temps d'un saut, d'un croisement, d'une main attrapée.

Pendant que la majorité du groupe répète en musique, quelques-uns esquissent des pas fragiles dans un coin – en attendant leur tour ?

Alors que je me pose la question, notre guide nous rejoint un instant pour nous expliquer que deux groupes se relaient.

L'instructeur continue ses explications, longues, constructives. Il chante pour montrer un mouvement. « Travaillons dans la sérénité et l'entente », semblent dire son corps, le ton de sa voix, son expression corporelle.

« Répéter, c'est ne pas être au point et travailler pour y arriver », me dis-je en observant ces jolies flammes de vie dansantes. Combien de milliers d'heures de danse ont-elles exécutées pour faire ce qui semble si facile ? Quelle aisance, quelle intelligence des corps, bonheur de la maîtrise faite légèreté !

Une petite pause ? Que nenni ! Si les corps cessent leur activité, c'est pour regarder une vidéo du spectacle tel qu'il doit être – retour aux fondamentaux dûment commentés par l'instructeur. Je n'avais pas imaginé qu'une répétition puisse être si parlante.

Jeunesse, fraîcheur, légèreté de cette foule dansante. Sur un Van Morrison entraînant et triste à la fois, comme une mélancolie qui prend au cœur, la nostalgie d'une jeunesse qui a fui. Goût de rires et de larmes. Ô combien belle fut la jeunesse !

Les corps savent.

Il suffit d'une instruction, d'une pensée, pour que les corps se meuvent, qu'ils suivent sans que la tête semble n'avoir à s'en mêler.

Cette jeune femme en noir, au milieu, qui répète un cri prolongé – cri de joie, signal de départ annonçant que la vie peut se mettre en mouvement.

Elle danse, puis face à un compagnon provisoire, éclate de rire avec lui.

Joie des corps bien huilés. Souples. Solides. Ils sont un élan. Une énergie. Je suis étonnée que ces gens qui se dépensent sans compter boivent aussi peu d'eau.

Ravissement de ce cercle dont le centre change de vedette. Une danse communautaire qui fait groupe et liberté. Ici, chaque personne est importante.

La jeune femme en noir danse assise sur la chaise, miroir de celle qui danse au centre de la scène – fascinante. Une détermination sur son visage, l'effort, et l'automatisme. Le corps sait – il est mû par tout ce qu'il a appris. Décidément, tout est paradoxe, dans cette répétition. Ou peut-être conjugaison ? L'effort et la facilité. Le travail et l'amusement. Le sérieux et le rire.

Quelques danseuses partagent leurs doutes sur un pas. « C'est quoi, exactement ? » « Je ne sais pas. Justement, on se demandait. On n'a pas compris. » « Pardonnez-moi si je me trompe », dit l'une sans gravité. Ses compagnes accueillent la déclaration avec naturel. Ils en sont tous là : à se tromper.

Un danseur les rejoint pour leur demander s'ils ont compris en quoi consiste ce fameux pas, part se renseigner auprès d'un autre groupe, revient avec la réponse.

Décidément, ce spectacle est à l'égal de celles et ceux qui l’interprètent : c'est du soleil, de l'élan, de la fraîcheur, et une coopération active et bienveillante.

Photos :

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