Ah le charme de Lyon et ce petit accent à couper au couteau (lyonnais), ses quartiers hétéroclites, ses nuits sonores, sa marionnette de Guignol, ses grands chefs étoilés et son Opéra de facture classique et réhabilité par Jean Nouvel : Lyon n’a pas de prix ! Lyonnaise d’adoption, j’ai eu la chance d’assister à quelques perles de ballets contemporains ! Ces chorégraphes ont désiré donner à la danse de nouveaux moyens d’expression qui nous plongent toujours dans des univers envoûtants servis par des danseurs au sommet de leur art. Par Lisa B.
En 2014, l’Opéra ayant tissé des liens étroits avec le magazine culturel, Le Petit Bulletin a donné naissance à la Brigade du Ballet. Cette initiative permet aux plus illustres passionnés ainsi qu’aux néophytes d’assister aux répétitions des danseurs du corps de Ballet. L’Opéra a retenu ma candidature, je tiens bon la barre, cette nouvelle me fait glisser dans le sommeil à rêver en quelque sorte que je suis l’une des sylphides dansant au milieu des nuages…Avec la bénédiction de Terpsichore, j’obtiens le précieux sésame qui m’autorise à découvrir les coulisses de l’opéra et assister au travail préparatoire des danseurs du spectacle du chorégraphe Jiří Kylián. Je rencontre les autres brigadiers avec lesquels je partage ma passion de la danse ce qui rappelle cruellement à tous les passionnés que ces moments d’échanges ne sont pas suffisamment nombreux…
Accueillie par Madame Pobel journaliste au Petit Bulletin et Monsieur Alquier, responsable marketing au sein de l’Opéra, je me laisse guider dans le temple de la création artistique.
Acte 1 : Une leçon de mise en scène
Ce qui me surprend d’emblée est l’effervescence qui règne à l’Opéra : c’est un ballet de rencontres furtives qui fourmille : accessoiristes, machinistes, instrumentistes…
L’exploration me plonge d’abord dans la loge des chœurs dédiée aux répétitions des choristes et des pupitres. La salle a été avantageusement conçue pour permettre de donner au son plus de pureté, de justesse et distinction. Nos hôtes livrent leurs regards intimistes sur l’esprit de cette grande maison, au détour d’anecdotes (drôles) et d’explications (sérieuses). J’ai l’opportunité d’admirer un clavecin, âme de la musique baroque ainsi qu’une partie des costumes du spectacle en cours, Alceste de C.W. Gluck. La poursuite de la visite me mène dans une immense salle, réunissant plusieurs corps de métiers dédiés à l’élaboration et au développement de la construction des décors. Dans cet environnement en déséquilibre constant le régisseur joue le rôle de pivot car il permet que la représentation se déroule sans heurts. Tous ces personnages fournissent là un immense travail, au regard des efforts accomplis, il suffit de penser que la réalisation d’un spectacle peut exiger plus de trois mois de préparation technique. La souplesse fait partie intégrante de leur mission exigeante. Je découvre le centre de pilotage des commandes de la régie dont le système démontre ingéniosité et fonctionnalité. Nos hôtes me font naviguer aux différents étages qui feraient « perdre la boussole » même aux personnes les plus aguerries. Ceci ajoute davantage de mystère à cette visite de l’envers du décor.
Acte 2 : L’art de la gestuelle en mode majeur
C’est une sensation de vertige qui m’envahit lorsque j’atteins le dixième étage de la Coupole de verre, je me sens suspendue au-dessus de la place de l’Opéra au panorama enchanteur qui domine la ville. Et la magie opère. J’assiste à une séance de travail des danseurs du ballet, l’une des étapes préparatoires du spectacle de Jiří Kylián. Au moment du spectacle, Jiří Kylián est déjà reconnu depuis plusieurs décennies comme étant un digne représentant de la danse moderne contemporaine.
J’assiste à la répétition du ballet One of a Kind qui se déroule dans une ambiance de travail assidue et concentrée, sous la houlette bienveillante de deux transmetteurs, assistants du chorégraphe Jiří Kylián. Aventure humaine époustouflante tandis que certains tueraient père et mère pour être à ma place !
Le transmetteur réalise les réglages et les « prises en main » des danseurs. Il les dirige en utilisant la vidéo comme outil de transmission de son savoir, ce qui lui permet de restituer le langage corporel dans l’esprit de la chorégraphie. Les danseurs inscrivent leurs mouvements dans une esthétique proposée par le chorégraphe. Un premier duo de danseurs ouvre le bal, puis un autre duo les rejoint et cohabitent dans cet immense espace. Ils ne sont pas encore costumés et les pas ne sont pas tous exécutés en musique.
De leurs expériences les danseurs s’enrichissent mutuellement : pattes pleine d’audace, au fil de la répétition, ils apportent des propositions d’interprétation afin de faire évoluer les pas, appris jusqu’au bout des doigts (de pied).
Le nom de cette pièce est parlant : One of a Kind, qui signifie « unique en son genre », ce qui suggère l’idée qu’au-delà des différences morphologiques et culturelles des danseurs, les corps demeurent traversés par la grâce. Sous une profusion gestuelle énergique, ils évoluent avec grande virtuosité (souvent) à tâtons (parfois) sur des mouvements épineux, et sont toujours recadrés avec douceur et sérénité par leur maître. La politique des petits pas progresse pour approcher la perfection. On observe le doute des danseurs, la complicité qui les unit et on saisit là une immense exigence. Ils donnent tout, jusqu’à épuisement total. On tutoie les anges puis les étoiles filent vers d’autres cieux.
Acte 3 : Tutoyer des étoiles
À l’issue de la répétition, abrités par cette immense verrière à l’atmosphère confidentielle, deux danseurs mettent leur disponibilité au profit de la Brigade du Ballet. Les questions fusent, les danseurs se livrent. Émotions assurées pendant la durée de l’entretien ! C’est une autre façon d’appréhender la danse. À peine le temps de reprendre son souffle, du 26 mai au 1er juin 2017 le spectacle est programmé.
