Par Yves Salaün
L'opéra de Lyon est un bâtiment stratifié de différents âges architecturaux. Un navire moderne qui ne peut qu'avancer. Le sombre et sobre viennent côtoyer les moulures robustes et blanches du 18e siècle. L'inutile ampleur poétique de l'architecture, belle et ancienne, confronte le fonctionnel à la rigueur esthétique Nouvel. Une confluence des styles et des envies viennent former ce navire terrestre. Le rouge en œuvres mortes, le noir en œuvres vives et le gris métallique, dessinent l'intérieur des coursives de la structure. On y construit des décors, en tirant des câbles comme dans une matrice plongée dans le sol. Chacun à son poste, rien n’est donné au hasard. Un amphithéâtre vide attend, sous le regard acéré d'une araignée de projecteurs. Alors que la musique se joue partout dans chaque recoins, des espaces ouverts s'offrent à ceux et celles qui s'y promènent.
Plus haut, sur le toit de l'opéra, dans ce que l'on appelle le dôme, fait de verre et d'acier, la ville est là, posée, en bas. L'environnement tout autour est froid, les lignes sont rudes et découpent les perspectives. Les fenêtres semblent guetter dans notre direction les activités du dôme.
Ici on s'y entraine, on y danse, on y joue la Sarabande. Une ambiance bon enfant, détendue et studieuse, dans un espace en forme de cage ouverte, une cage de verre lumineuse. Et les danseurs (seulement des hommes) face aux miroirs, exploitent leurs corps. Il bougent et boxent les ombres, s'ouvrent à la ville infinie dans cette journée d'hiver. Le dôme de verre offre à la salle des couleurs ocres, changeantes aux rythmes du jour. L'architecture aérienne donne aux athlètes l'idée d'accompagner les nuages. Ils ne sont plus humains, ils sont danseurs. D'ailleurs on ne parle plus, on chuchote des dialectes. La seule parole est donnée aux corps, et par la parole, je veux dire que ce sont des cris qu'expriment les corps. Et au-dessus de la ville, au-dessus des lois, à la limite du ciel, on applaudit en claquant des doigts.
