Politiquement enragé

Rétro / Il n'aura jamais rien fait comme tout le monde. Débarqué à Hollywood, Kazan n'utilisera jamais le moindre scénariste professionnel, mais choisira toujours des écrivains (Tennessee Williams, John Steinbeck, rien de moins) ou des dramaturges pour collaborer avec lui. Ça n'a rien d'anecdotique : immigré grec, Kazan, de son style brut, nerveux et réaliste, veut montrer une autre Amérique que celle des studios. Ce sera celle des dockers dans Sur les quais, polar haletant et premier film de cette ampleur à être entièrement tourné dans les rues de New York, vingt ans avant les Mean Streets de Scorsese. Ce sera aussi celle des paysans du Tennessee dans Le Fleuve sauvage, grand film méconnu et bide magistral à sa sortie. La grandeur d'âme de Kazan, c'est de toujours filmer du côté de ceux qui ont dû, comme lui, manger de la vache enragée pour s'imposer contre l'ordre établi. Son cinéma est toujours celui des minorités, et ce n'est pas pour rien s'il a utilisé les acteurs les plus rebelles de l'époque : Brando, James Dean ou Monty Clift. Humaniste profond, il va dénoncer, souvent de façon visionnaire, les tabous et les injustices d'une société conservatrice, que ce soit les pièges du succès et du miroir aux alouettes médiatiques dans Un homme dans la foule, ou les crimes écologiques et la discrimination des populations dans Le Fleuve sauvage. Cerise sur le gâteau de la rétro à l'Institut Lumière : Les Visiteurs (1972), premier film sur les conséquences de la guerre du Viêt-Nam et chronique sans concession de la violence masculine. Mais le chef-d'œuvre absolu de Kazan, c'est sans aucun doute la Fièvre dans le sang. A la fois pamphlet social bidonnant contre l'Amérique puritaine et mélo flamboyant avec une Natalie Wood touchée par la grâce, La Fièvre est le film qui croise le mieux chez Kazan la rage des sentiments individuels et l'écrasement de la conscience collective. Affronter le monde tel qu'il est et lui survivre, tel est le pari d'une vie de cinéaste qui ne cessera de se remettre en question avec la plus grand vitalité. La grande générosité des films de Kazan, c'est de ne pouvoir exister que dans le rapport aux autres. Et affrontant une société toujours rétive aux libertés individuelles, d'apprendre à s'en affranchir. LHRétro Elia KazanA l'Institut LumièreJusqu'au 28 mars

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