"J'ai toujours vu le monde comme une tragédie"

Interview / Avec Melinda et Melinda, son 36e film, Woody Allen tente un grand pont théorique. Comme il y a 15 ans avec Crimes et Délits, il fait cohabiter comédie et tragédie dans une même fiction. Le résultat, mineur mais séduisant, montre un Woody sur une pente à nouveau ascendante. Propos recueillis par CC

Petit Bulletin : Avez-vous déjà hésité entre drame et comédie pour un même sujet ?
Woody Allen : J'ai très souvent des idées qui pourraient verser d'un côté ou de l'autre. Un très bon exemple, c'est Une autre femme. Gena Rowlands écoute à travers un mur les conversations d'une femme et de son analyste, et elle finit par y entendre des vérités sur elle-même. J'ai continué cette idée dans une perspective dramatique, mais si ce n'était pas Gena Rowlands, si c'était moi qui avait écouté à travers ce mur, cela aurait donné une excellente comédie. Avec Melinda et Melinda, j'avais une idée, et j'ai voulu voir si on pouvait la décliner sur ces deux versants.Vos références vous portent-elles plutôt vers le drame ou vers la comédie ?
Je n'ai pas beaucoup changé au fil des ans. Mes obsessions sont les mêmes depuis l'âge de 10 ans. Je regrette juste de ne pas faire plus de tragédies, de ne pas aller contre mon inclination naturelle à faire de la comédie. J'ai toujours vu le monde comme quelque chose de tragique et tous les artistes que j'adore sont des auteurs tragiques : Eugène O'Neil, Strindberg, Bergman... Mais j'étais plus à l'aise avec les films drôles. Beaucoup de gens voient leur vie d'une façon tragique, et d'autres la voient de manière si tragique qu'ils sont obligés d'en rire. Donc il n'y a pas vraiment de différence entre le drame et la comédie.Quelle est votre méthode pour tourner un film par an ?
Ce n'est pas difficile de faire un film. La plupart des réalisateurs feraient plus de films s'ils avaient plus d'argent. Le problème, c'est qu'ils ont besoin de tellement d'argent que quand ils ont écrit leur scénario, ils passent deux ans à faire des déjeuners, à passer des coups de téléphone et enfin, un jour, on leur dit qu'ils peuvent tourner le film. Mes films sont modestes et j'essaye d'être toujours dans la situation où quand le script est sorti de la machine à écrire, le film est en production le lendemain. Chaque étape prend quelques mois : l'écriture, la pré-production, le tournage, le montage... Six ou huit mois plus tard, le film est terminé, ce qui me laisse du temps pour ma famille, ma clarinette, voir des films, des matchs de basket. Faire des films, contrairement à ce qu'on voudrait faire croire, n'est pas un travail scientifique. Vous faites le film, vous le sortez, et vous en faites un autre.

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