Politique de l'environnement

Suite du feuilleton de la rentrée : comment le décor et l’espace redeviennent, dans le cinéma d’aujourd’hui, des moteurs décisifs de la fiction… CC

Résumé de l’épisode précédent : depuis la sortie des Ruines, petite bande d’horreur pas si petite que ça, tous les films qui impriment durablement la rétine font de l’environnement un personnage essentiel de leur récit. Ces dernières semaines, c’est même devenu évident juste à la lecture des titres : Eden Lake, Tokyo !, Dernier maquis… On mettra de côté Entre les murs qui, s’il se définit par son décor, l’incorpore immédiatement à son dispositif de mise en scène — on est entre quatre murs, on n’en sort pas. Par contre, chez Ameur-Zaimeche, le Dernier Maquis du titre est un espace à la géométrie incertaine, dont les murs (de palettes) sont sans arrêt déplacés, comme les positions politiques des personnages. Les deux autres décors (une mosquée et une rivière) ont aussi une fonction cruciale : passage de la concorde à la discorde et signe qu’un autre monde poétique est possible au-delà de l’aliénation religieuse et ouvrière.

Le cinéma est une ville
Ce n’est pas innocent si ce retour du décor au cinéma se fait au moment où la télé, crispée sur ses machines narratives, oublie de filmer de l’espace et ne mise plus que sur la compression du temps. Réaction logique des cinéastes pour marquer leur territoire… Pas innocent non plus que le cinéma d’horreur ait, dans le même temps, réélu le survival comme son domaine de prédilection, puisque l’hostilité de l’environnement y est un principe fondateur (adieu slashers à lieu unique, surtout ce non-décor par excellence qu’est un campus !). Eden Lake, modèle anglais du genre, applique le principe avec délectation (une forêt pleine de pièges sauvages) ; mais le rapport à l’environnement est aussi ce qui évite au film de tomber dans le panneau démago de son sujet (des petits voyous qui torturent un couple propret). Car la forêt en question va bientôt devenir un pavillon résidentiel pour nouveaux riches, agression manifeste au sein d’une bourgade minée par la misère économique et sociale. La lutte des classes comme lutte de territoires : Eden Lake aurait aussi pu s’appeler Dernier maquis… Quant à Tokyo !, extraordinaire film à sketchs signés Gondry, Carax et Bong Joon-Ho, il fait de la capitale nippone un espace oppressant, suscitant le sentiment d’inutilité (Gondry), l’envie de disparaître (Bong) ou la pulsion de destruction (Carax pour un segment excellent, le meilleur film de son auteur). Nocturne et pluvieuse chez les Français, ensoleillée chez le Coréen, Tokyo est une mégalopole vivante, un personnage à part entière, dont les tremblements sont parkinsoniens et dont on visite les entrailles effrayantes. Le voyage continue…

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