Mardi 23 janvier 2024 De tous les festivals de courts ayant lieu dans la métropole, Un poing c’est court à Vaulx-en-Velin a toujours eu un statut à part : c’est un festival engagé, (...)
Quatre-vingt minutes avec Jerzy
Par Christophe Chabert
Publié Jeudi 30 octobre 2008 - 2060 lectures
Jerzy Skolimowski, cinéaste, retrouve la caméra pour Quatre nuits avec Anna, une «comédie noire» qui marque son retour en Pologne après des années d’exil et de peinture en solitaire. Christophe Chabert
Lunettes noires et pardessus beige, carrure massive et calme olympien : Jerzy Skolimowski impressionne. Revient immédiatement en mémoire sa prestation en oncle russe dans Les Promesses de l’ombre, le film de David Cronenberg qui avait remis son nom sur la carte du cinéma contemporain. Car Skolimowski est un revenant. Cinéaste important de la nouvelle vague polonaise dans les années 60, auteur de films acclamés lors de son exil anglais, puis réalisateur embarqué dans des adaptations littéraires transformées en puddings européens, sa carrière s’arrête net en 1991 avec Ferdydurke, transposition ratée de l’univers de Gombrowicz. Dix-sept ans plus tard, voici Quatre nuits avec Anna, film singulier qui ressemble à un nouveau départ. Pendant cette absence, Skolimowski a exercé à plein temps sa passion de peintre. D’ailleurs, cette passion aurait pu être un métier si, au moment d’entrer à l’Académie des Beaux-Arts, il n’avait osé une plaisanterie que le système stalinien n’a guère goûté : Un des examens consistait à peindre un poster pour montrer à quel point il était formidable de vivre en Pologne, explique-t-il. J’avais au contraire fait une affiche pour dire à quel point cette politique était mauvaise. Officiellement, j’ai été recalé pour manque de talent !
«Skolimowski, inachevé»
Il sera donc cinéaste, remportant des distinctions dans les festivals internationaux (Ours d’or à Berlin, Prix de la mise en scène à Venise), incorporant le cercle des grands auteurs avant de se retrouver dans une situation inextricable : Je travaillais sur Eaux printanières et le producteur était ce type impossible, Angelo Rizzoli. C’était une grande figure de la société italienne, il avait produit Fellini. Mais il était dans sa pire période, il venait de sortir de prison pour divers trafics et il était plus gros qu’Orson Welles. Il avait fait rédiger de nombreuses versions du scénario et m’avait dit d’écrire la mienne en me demandant de compiler toutes les versions et d’en garder le meilleur. Mais il insistait pour que la fin du film soit la sienne. Le tournage ne s’est pas bien passé, j’avais des ennuis avec les très capricieux Nastassja Kinski et Timothy Hutton, avec Valeria Golino, qui était une jeune vedette montante. Je sentais le sol se dérober sous mes pieds. Un soir, je me suis retrouvé seul et j’ai peint un autoportrait ; comme je n’avais pas beaucoup de temps, j’ai juste fait une esquisse et j’ai écrit «Skolimowski, inachevé». Ils ont essayé de m’achever, mais non, j’ai survécu. Tout cela est raconté avec une ironie mordante que Skolimowski revendique : «J’ai un regard ironique sur le monde, et c’est bon de le partager avec le spectateur. Ce film, Quatre nuits avec Anna, c’est la libération de cette ironie.
«J’ai toujours voulu être un artiste unique»
Drôle et affable, le cinéaste explique ce qui lui a donné envie de revenir derrière la caméra : J’étais très insatisfait de mes derniers films, et je me suis dit que je m’étais égaré, qu’il fallait que je réfléchisse au type de films que j’avais envie de faire, et surtout faire en sorte que ce ne soit pas des films médiocres mais des œuvres uniques. J’ai toujours voulu être un artiste unique. Et je ne l’étais pas du tout sur ces derniers films ! Un tournage léger, en vidéo haute définition, avec peu d’acteurs et une équipe technique de confiance, lui a permis de concrétiser Quatre nuits avec Anna. Ce film est totalement libre, je suis responsable de tous les plans et de tous les sons. Même la manière dont les chiens aboient ! On sent que l’expérience parle toujours, mais surtout que le plaisir est revenu. Une des sources de ce plaisir est à chercher du côté de Cronenberg : Il travaille avec beaucoup de tranquillité, sans jamais élever la voix, sans avoir besoin d’insister sur les choses car il s’entoure toujours de la même équipe. Si David peut arriver à une ambiance paisible sur un tournage si lourd, je dois être capable d’y arriver aussi. Et le personnage ? Le personnage était bien, mais j’ai une si grande familiarité avec ce genre de rôles que cela m’a rapporté l’argent le plus facilement gagné de toute ma vie ! Séduit par le charisme de ce cinéaste revenu de nulle part, on ne rêve plus que d’une chose : découvrir son œuvre, grande oubliée des cinémathèques et de l’édition DVD.
à lire aussi
derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Musiques...
Mardi 31 octobre 2023 Le festival Lumière vient de refermer ses lourds rideaux, les vacances de la Toussaint lui ont succédé… Mais ce n’est pas pour autant que les équipes de (...)
Mardi 31 octobre 2023 Si le tourisme en pays caladois tend à augmenter à l’approche du troisième jeudi de novembre, il ne faudrait pas réduire le secteur à sa culture du pampre : depuis bientôt trois décennies, Villefranche célèbre aussi en beauté le cinéma francophone....
Mardi 5 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or Anatomie d’une chute et sans doute favorisé par la grève affectant...
Mardi 29 août 2023 Et voilà quatre films qui sortent cette semaine parmi une quinzaine : N° 10, La Beauté du geste, Alam puis Banel & Adama.
Suivez le guide !
Lundi 12 juin 2023 Parmi les jeunes maîtres du cinéma nippon, Kôji Fukada est en train de se tailler une place de plus en plus importante. Présenté à la dernière Mostra, Love Life est un film sur les liens invisible, l’incommunicabilité, la famille et la résilience....
Mercredi 19 avril 2023 Invité aux Rencontres du Sud pour présenter sa nouvelle comédie avec Charlotte Gainsbourg, "La Vie pour de vrai", Dany Boon évoque les lointaines inspirations qui l’ont aidé à modeler son personnage de candide. Comme son rapport inattendu à Agnès...
Mercredi 30 novembre 2022 Deux lieux atypiques accueillent des projections en ce début décembre. D’abord, la Maison de l’Écologie dans le 7e arrondissement ce jeudi 1er à 20h à (...)
Mercredi 30 novembre 2022 Le Festival du Film Court du Zola ayant servi de warm-up, on ne lâche pas l’affaire et l’on continue avec entrain avec la deuxième édition de Mutoscope, (...)
Jeudi 1 décembre 2022 Le titre un brin lapidaire de la livraison mensuelle du cycle Ciné Collection concocté par les salles du GRAC (“Femmes à la caméra“) ne doit pas susciter (...)
Mercredi 30 novembre 2022 L’un aurait fêté son centenaire, l’autre ses 130 printemps en 2022. Mais tous deux sont d’une étonnante contemporanéité et — curieusement — complémentaires. Ernst Lubitsch et Francesco Rosi finissent l’année à l’Institut Lumière.
Jeudi 6 octobre 2022 Huit ans après "La French", le réalisateur et le comédien se retrouvent pour un film à nouveau tiré d’un fait historique mais beaucoup plus contemporain : les attentats de 2015. Rencontre autour de la conception d’un film sur une tragédie française.
Lundi 5 septembre 2022 Bien qu’il atteigne cette année l’âge de raison avec sa 7e édition, le Festival du film jeune de Lyon demeure fidèle à sa mission en programmant l’émergence des (...)
Lundi 5 septembre 2022 Appelés à retrouver leurs chères études, les écoliers se sentiront-ils moins seuls en sachant que les cinéphiles lyonnais doivent suivre un programme au moins aussi chargé en ce mois de septembre avec moult rencontres et événements dans les salles ?...
Mardi 23 août 2022 Après avoir endossé sur scène le rôle d’Hortense dans La Dégustation d’Ivan Calbérac, Isabelle Carré le reprend avec enthousiasme pour l’adaptation réalisée par l’auteur. L’occasion de converser avec une comédienne toujours impeccable, devenue...
Lundi 5 septembre 2022 Malavida ressort l'un des films phares de la Nouvelle Vague tchèque, dont l'inventivité et la pertinence demeurent totalement d'actualité.
Mercredi 17 août 2022 Et si Forrest Gump portait un turban et dégustait des golgappas plutôt que des chocolats ? L’idée est audacieuse mais aurait mérité que le réalisateur indien de Laal Singh Chaddha se l’approprie davantage. Si l’intrigue réserve forcement peu de...
Mercredi 11 mai 2022 Lauréat début mai du Meilleur premier film de fiction et Meilleur acteur dans un second rôle aux 9e Prix Platino (attribués aux productions du monde ibérique), Karnawal incarne la relève du cinéma latino-américain. Avant de recevoir ses récompenses,...
Mercredi 11 mai 2022 Alors que son film posthume Plus que jamais réalisé par Emily Atef sera présenté dans la section Un certain regard du 75e festival de Cannes, l’Aquarium (...)
Jeudi 12 mai 2022 Tous deux ont porté le Nouvel Hollywood sur les fonts baptismaux, joué (sans avoir de scène en commun) dans le plus célèbre film de mafia/la plus fameuse (...)
Jeudi 12 mai 2022 Et vous, comment vivrez-vous ?, le nouveau long-métrage de Hayao Miyazaki n’étant annoncé que l’année prochaine (une décennie après le dernier), le Pathé Bellecour (...)
Vendredi 13 mai 2022 Mercredi, jour de sorties en salles : voici notre sélection des films à voir à Lyon cette semaine.
Mardi 10 mai 2022 Mercredi, jour de sorties en salles : voici notre sélection des films à voir à Lyon cette semaine.
Mardi 26 avril 2022 Comédienne chez Denys Arcand (L’Âge des ténèbres) et surtout Xavier Dolan (Les Amours imaginaires, Laurence Anyways), la Québécoise Monia Chokri avait réalisé en 2019 un premier long-métrage remarqué, La Femme de mon frère. Elle est de retour...
Mardi 26 avril 2022 Un très joli conte de printemps s’apprête à sortir sur les écrans : le bien nommé C’est magnifique !, troisième long-métrage du comédien et cinéaste Clovis (...)
Mardi 26 avril 2022 Retour à un calendrier habituel pour le festival Cinémas du Sud concocté par la galerie Regard Sud et accueilli par l’Institut Lumière du mercredi 27 au (...)
Mardi 26 avril 2022 Faut-il une raison pour aller au musée contempler les toiles des Impressionnistes ? Évidemment non. Il en va de même pour les chefs-d’œuvre du cinéma (...)
Mardi 26 avril 2022 Les organisateurs d’On vous ment ont de le sens de l’humour (ou de l’à propos) puisqu’ils ont calé la septième édition de leur festival pile entre la présidentielle et les législatives. Une manière de nous rappeler qu’il ne faut pas tout...
Mardi 26 avril 2022 Mercredi, jour de sorties en salles : voici notre sélection des films à voir à Lyon cette semaine.