La Bande à Baäder

Se proposant de faire la «chronique des années de plomb» ouest-allemandes, Uli Edel fonce droit dans la polémique avec ce film efficace, un peu long mais assez gonflé. Christophe Chabert

La Bande à Baäder est un groupe terroriste fondé au début des années 70 pour répondre à l’état policier de l’Allemagne de l’ouest et à l’impérialisme américain qui s’exprimait de la République Fédérale Allemande au Vietnam. Il passa à l’action avec de sanglants attentats, mais aussi, plus curieux, des braquages de banques ! Alliance de la carpe et du lapin entre le jeune agité Andreas Baäder, un peu voyou et un peu hippie, et la journaliste Ulrike Meinhof, le groupe originel disparut dans ce qui fut officiellement un suicide collectif en prison (mais qui pourrait bien être un assassinat étatique au moment où d’autres générations de terroristes d’extrême gauche prenaient le relais ; une thèse non retenue par le film). Rassurons le futur spectateur : La Bande à Baäder expose ces événements avec beaucoup de clarté, fléchant spatialement et chronologiquement l’action pour éviter l’écueil du produit à usage purement national. Le choix d’Uli Edel derrière la caméra, Allemand longtemps exilé à Hollywood (où il signa une étrange adaptation du Last exit to Brooklyn de Selby), va dans ce même sens d’une fresque criminelle efficace et exportable, sur le modèle de Romanzo Criminale.

Sexy terroristes
Sur ce point, le film réussit presque son pari : pendant une heure quarante-cinq (la fin est clairement moins plaisante), le rythme est soutenu et la mise en scène, sans être grandiose, sait emballer l’action et user d’un humour assez noir pour éclairer les contradictions de Baäder et de ses acolytes, mais aussi de l’Allemagne de l’époque. C’est là où le film est sérieusement casse-cou : si Andreas Baäder a quelque chose de Tony Montana dans sa bêtise manifeste au service d’une cause dont il semble, en définitive, se contrefoutre — ce qui creusera le fossé avec une Ulrike Meinhof vraiment engagée dans la lutte des classes — l’État allemand n’est jamais montré autrement que comme un ramassis de fascistes déguisés en démocrates. Le numéro, clownesque, de Bruno Ganz en chef de la police est assez éloquent sur ce point ! Difficile, en voyant La Bande à Baäder, de ne pas adhérer aux idées (sinon aux méthodes) de ces terroristes, surtout quand ils sont interprétés par des bombes sexuelles au glamour manifeste, leur énergie juvénile et irrésistible éclipsant leurs actes. Avouons-le au risque de se faire insulter, cette vision scandaleuse et provocatrice est autrement plus convaincante à l’écran que le moralisme larvé et hypocrite avec lequel Richet ménage la chèvre et le chou dans Mesrine !

La Bande à Baäder
D’Uli Edel (All, 2h25) avec Martina Gedeck, Moritz Bleibtreu…

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