«Un film à l'américaine mais à la française»

Cinéma / Lisa Azuelos, réalisatrice de LOL, petit film sur des ados propres sur eux, des adultes un peu paumés, et trente ans de teen movies à la française. Propos recueillis par Christophe Chabert

Petit Bulletin : Dans LOL, il y a trois films : un film personnel, sur votre relation avec votre propre fille ; un film générationnel sur ces adolescents d’aujourd’hui ; et un film référentiel, sur les codes et l’histoire du film d’ados en France…
Lisa Azuelos : Ces trois axes étaient importants pour moi. L’axe personnel, c’est la terre, c’est là-dessus que le film pousse. L’axe générationnel, d’accord, mais pas seulement sur les ados ; c’est aussi un film générationnel sur les adultes d’aujourd’hui. Je trouve que les adultes ont plus changé que les ados, qui sont toujours confrontés aux mêmes problèmes. Les moyens techniques sont différents, mais le corps se transforme de la même façon, les problèmes existentiels sont un peu les mêmes. Par contre, il y a une vraie nouvelle génération d’adultes à cause des divorces, des familles explosées, d’une vie qui se rallonge, qui se modernise… Aujourd’hui, une femme de 40 ans a une vraie deuxième vie après un divorce. Il y a même un jeunisme obligatoire et tyrannique qui provoque quelque chose de neuf, chez les femmes en particulier. Elles ont tendance à vouloir vivre une adolescence tardive : il n’y a plus d’obligation de se marier, de faire des enfants, juste une joie de vivre à retrouver. Enfin, le film de genre, c’est un passage obligé. Il y avait même dans le scénario plus de références encore : une vraie séquence d’examens comme dans Les Sous-doués. J’ai laissé tomber tout ça car le film s’est beaucoup recentré sur l’émotionnel. Mais il y a quand même Londres qui est un gros clin d’œil à À nous les petites anglaises…Le film commence par ça : une différence entre le teen movie américain et le film d’ados à la française.
J’avais envie de plaire à des Français qui ont l’habitude de ne voir que des films américains. C’était mon challenge. Faire un film à l’américaine mais à la française ! Le public ado est le public qui connaît tout, qu’on ne peut pas truander, il faut être techniquement au point, il ne faut pas les faire chier, les capter tout de suite.Cette réalité française, vous avez tout de suite voulu la situer à Paris ou est-ce seulement une facilité de tournage ?
C’était plus pratique effectivement. Ça permettait de ne pas déplacer d’équipe technique. Mais Paris est une ville assez dure, où l’on peut se sentir seule. Ça renforce ce côté urbain qui n’est pas facile à vivre en tant qu’adolescent.Vous choisissez des rues de Paris qu’on a peu l’habitude de voir, et des perspectives étonnantes, avec beaucoup de dénivelés…
À Paris, aujourd’hui, il n’y a plus que trois arrondissements qui acceptent des tournages. Et souvent, je trouve que les films français ont quelque chose d’assez plat. Alors que je voulais faire un film bien français mais pour des ados qui mangent de l’image à la télé toute la journée. Et ça, ça veut dire de la profondeur de champ. C’est pour ça que dans le lycée, les couloirs sont longs comme dans Elephant ; j’ai choisi des rues de Paris où derrière il y a la Seine, où il y a des tours, pour donner de l’espace et contribuer à un visuel moins «français».Pour revenir à l’aspect référentiel, une des choses fondamentales dans la réussite du film tient au choix de Sophie Marceau. Ça marche à deux niveaux : la qualité de son jeu et le souvenir de {La Boum}
Sophie est la France. Elle est comme un patrimoine pour notre génération. Elle amène déjà ça. Et en plus, elle est Vic dans La Boum. Elle amène toute la caution de cette fille qui a grandi, qui est devenue une maman. C’est réel, c’est en temps réel. Je ne pouvais pas rêver mieux.Donc vous confirmez que ce personnage pourrait être le même que celui de la Boum ?
Dans le fond, oui.Vous espérez que le spectateur verra les choses de cette manière-là, ou c’est un pari un peu abstrait ?
Non, je ne l’espère pas. Au début, je n’y pensais pas du tout ; à un moment, ça m’a même freinée. Je savais qu’on allait me dire que je faisais une Boum des années 2000 de toute façon. Prendre Sophie Marceau, c’était peut-être envoyer un faux message. Mais LOL, ce n’est pas que La Boum, c’est aussi Diabolo Menthe, c’est aussi À nous les petites anglaises… Ce sont des films qui ont constitué mon humour et ma culture. Que Sophie Marceau se soit glissée là-dedans est un cadeau fictionnel.

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