Harvey Milk

Un Sean Penn irrésistiblement solaire illumine ce biopic en définitive assez convenu, paisible renoncement consensuel d’un Gus Van Sant en petite forme. François Cau

Ce qui frappe le plus dans Harvey Milk… c’est son absence quasi totale de surprise, surtout venant de la part d’un réalisateur célébré pour ses expérimentations narratives déroutantes. Ici, c’est plutôt du côté du metteur en scène de commandes pépères (comme Will Hunting ou À la rencontre de Forrester) qu’il faudra regarder… On démarre par l’annonce tragique de l’assassinat du personnage principal, premier élu ouvertement homosexuel des Etats-Unis. On poursuit avec un procédé narratif lourdement éculé (Milk, redoutant son destin funeste, enregistre son autobiographie – ce qui s’avère très pratique pour commenter ou faire avancer l’intrigue rapidement !). On fait correspondre la petite histoire (les romances d’Harvey) à la grande (le militantisme pour la cause gay). On schématise un rien les motivations du futur assassin, et on n’oublie pas de conclure avec l’habituelle séquence d’archive du “vrai“ héros de l’histoire, cerise sur le gâteau vouée à faire sortir cette foutue larme de l’œil du spectateur réticent, là, au fond, à droite. Gus Van Sant, à mille lieux de ses précédents films, se borne ainsi à suivre une mécanique dramatique qui a fait ses preuves, des prestigieux festivals internationaux aux remises de prix de toutes sortes, sans aucune volonté de la bousculer. C’est à peine si notre homme s’autorise quelques petites autocitations sans incidence, ou encore une maigre poignée d’écarts visuels, cinématographiquement anecdotiques.

Gai luron

On le sentirait presque détaché de son sujet, s’il ne sublimait avec une générosité permanente l’élément clé de son film : son acteur principal. Sur le papier, Sean Penn en grande folle affable minaudant plus que de raison, ça aurait plutôt tendance à faire lever le sourcil d’un air dubitatif. Mais à l’écran, le talent hors norme du comédien fait immédiatement oublier ces réserves comme toute impression de performance visant ouvertement les récompenses. Et ce dès les premières scènes, drôles et touchantes, de séduction du post-adolescent interprété par James Franco. L’acteur y déploie avec évidence une gamme de jeu subtile, fondée sur l’enthousiasme radical et communicatif de son personnage, jusque dans les moments de doute les plus taraudants. On ne regarde dès lors le film plus que pour lui, et occasionnellement pour la peinture en pointillés des mœurs rétrogrades de l’époque, ou de la communauté hétéroclite se fédérant autour de cette figure de proue au sourire désarmant.

Harvey Milk
De Gus Van Sant (EU, 2h07) avec Sean Penn, James Franco…

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