Dans la brume électrique

Cinéma / Tiré d’un roman noir de James Lee Burke, ce film américain de notre Tavernier national ne manque ni d’ambition, ni de bons acteurs, mais d’un rythme suffisamment prenant pour faire tenir ensemble son complexe écheveau d’intrigues. CC

Longtemps attendue, sortie directement en DVD aux Etats-Unis dans une version raccourcie d’une vingtaine de minutes, cette adaptation de James Lee Burke par un Bertrand Tavernier délocalisé pour l’occasion sur le sol américain intriguait. Mais assez vite, la déception pointe son nez. Ce que l’on peut reprocher d’ordinaire au cinéma de Tavernier (sa lourdeur démonstrative, l’épaisseur de ses dialogues) est pour une fois mis en sourdine : Dans la brume électrique possède une certaine fluidité d’exécution et une attention réelle aux personnages dont on ne cherche pas à expliquer toutes les motivations. En revanche, là où le cinéaste se casse les dents, c’est pour trouver un rythme à cet enchevêtrement ambitieux d’intrigues courant sur près de cent cinquante ans. Pas de pays pour un vieux
Les crimes d’aujourd’hui, crapuleux, ceux d’hier, raciaux, et ceux, fondateurs, de la guerre de sécession, se rejoignent donc dans la ballade désabusée d’un flic alcoolique et humaniste, Dave Robichaud, fort justement campé par le toujours parfait Tommy Lee Jones. Mais ce récit touffu paraît pourtant particulièrement délié, plein de temps morts, comme une accumulation indolente de séquences jamais connectées entre elles. L’électricité du titre est donc purement théorique, car l’écran semble au contraire accueillir chaque événement avec perplexité et froideur, un peu comme dans les derniers Chabrol (qui vient justement de primer le film au festival de Beaune !). Il faut dire que la peinture du milieu du cinéma — avec des stars ivres du matin au soir et des producteurs sans scrupule — est assez peu crédible à force de caricature, et le désir de montrer un mafieux plutôt bonhomme (génial John Goodman, au passage) nuit beaucoup à l’inquiétude qui devrait naître lors de ses accès de violence. Le choix de la voix-off est aussi assez malheureux, car elle ne semble là que pour colmater les vides du récit. Surtout, Tavernier voudrait créer une atmosphère suspendue, mortifère, celle de la Nouvelle-Orléans après Katrina, mais n’y parvient jamais, sinon dans la seule scène vraiment réussie du film, où Robichaud découvre, en plein délire onirique, un camp de soldats confédérés. Cette parenthèse fantastique laisse entrevoir ce qu’aurait pu être Dans la brume électrique : une méditation mélancolique sur une Amérique gangrenée par une violence présente à toutes les époques de son Histoire. Ce film avec Tommy Lee Jones existe déjà, en double même : ils s’appellent No country for old men et Dans la vallée d’Elah.Dans la brume électrique
De Bertrand Tavernier (Fr-ÉU, 1h57) avec Tommy Lee Jones, John Goodman…

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