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Lundi 18 mai :

Pour la plus grande horreur de certains festivaliers, qui ne s’en laissent pas compter en quittant les salles à la première goutte de sang, le festival de Cannes 2009 ne lésine pas sur la violence. Au menu : corps démembré (Kinatay), gorges tranchées (Un prophète, Thirst), gunfights sanglants (Vengeance) et enfin clitoris tranché à coups de ciseaux, masturbation puis éjaculation sanglante, et jambe lestée par une lourde meule après un bon coup de foreuse (Antichrist de Lars Von Trier). Cependant, n’en déplaise aux pères la pudeur qui commencent à perdre patience et à se fâcher tout rouge, toutes ces formes de violence ne sont pas du même ordre. Pas grand-chose de commun entre la violence graphique et déréalisée que l’on trouve chez Park Chan Wook ou Jonnie To et celle, sèche et réaliste, d’Audiard ou Mendoza. Quant à Lars Von Trier, la violence débarque dans son film au milieu d’un lourd projet mystico-psychanalatique avec la souplesse d’un éléphant. Antichrist est certes gonflé (jusqu’à l’aveuglement, voir la dédicace assez hallucinante à Tarkovski à la fin), mais totalement foiré aussi. La première séquence, où un clip au ralenti façon Obao Douche (avec pénétration en gros plan), donne le "la" du reste : c’est le Von Trier esthétisant qui repointe le bout de son nez après ses années d’ascétisme. Film d’auteur dans le pire sens du terme, Antichrist invente en cours de route l’horreur domestique façon Bricolage et Jardinage, sans perdre de vue le gros panneau «attention, travail psy en cours» qui encombre tous ses dialogues, imbitables. Film d’horreur ? Oui, mais dont on ne garde que les scories : musique terrorisante et grand guignol à tous les étages. Chaos reigns faisait, hier soir, figure de signe de ralliement verbal à ceux qui avaient bien ricané au film. Le problème, sachant qu’on attend encore le Tarantino, qui en général ne lésine pas sur l’hémoglobine, c’est qu’un tel film nuit à tous les autres présentés ici, donnant des gages à ceux qui mettraient bien un peu moins de rouge sur les écrans. Dommage, car on l’aime bien, cette sélection, définitivement ! Thierry Frémaux semble avoir réveillé le geek qui sommeillait en lui, multipliant films de genre et expériences extrêmes. Tarantino, encore lui, ne s’y est pas trompé : on le voit à toutes les projections, visiblement ravi d’être là en cinéphile autant qu’en cinéaste.

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