article partenaire
Quand on arrive en livre !

Blog : Lumière jours 5 et 6 Dernières lueurs avant l'extinction

Autant passer tout de suite aux aveux : une autre casquette m’a poussé hier soir à sécher le Prix Lumière remis à Clint Eastwood… En même temps, aveu numéro 2 : après 18 films et près de 35 heures de projection, le moteur est presque à sec, et c’est passablement épuisé que j’ai fini le festival, tentant vaillamment de garder les yeux ouverts à la projection ce dimanche matin de Et pour quelques dollars de plus. Quand ça ne veut plus, ça ne veut plus. C’est d’ailleurs une leçon de choses : le cinéma de patrimoine englobe des réalités tellement variables que l’on doit en quelques minutes passer d’un code de jeu à l’autre, traverser des époques entières à pied joint, reprendre tous ses repères à chaque film ou presque. En comparaison avec d’autres festivals, où le cinéma d’avant est une récréation bienvenue face au formatage des films contemporains qui composent la majeure partie de la programmation, Lumière nécessite une sacrée ouverture d’esprit et, plus encore, une grosse endurance intellectuelle quand on se plonge à haute dose dans les films qui y sont montrés… Un bon exemple avec Extérieur nuit, l’étrange film de Jacques Bral. Véritable OVNI dans la programmation, ce film relativement récent (il n’a «que» trente ans) est d’ailleurs singulier dans l’Histoire même du cinéma français. En le voyant, je me disais qu’il y avait là comme un trait d’union inconscient entre La Maman et la putain d’Eustache et Un monde sans pitié de Rochant. Chez Eustache, les jeunes gens vivaient encore la révolution sexuelle mais en sentait déjà le reflux ; chez Rochant, cette désillusion s’était transformée en cynisme, et même en possible repli vers le couple bourgeois. Entre les deux, Jacques Bral montre un trio (deux hommes, une femme) qui jouit une dernière fois de cet âge des possibles (la jeunesse, mais aussi la fin des 70’s) sans trop savoir qu’en faire : juste coucher ensemble ou se risquer à tomber amoureux ? Glander ou retourner au travail ? Vivre le jour ou attendre la nuit pour s’aventurer dans les rues ? Cette incertitude est aussi le principe de la mise en scène : les dialogues semblent à la fois très écrits et complètement improvisés par les acteurs, les séquences n’ont pas peur d’enregistrer le rien et les temps morts, l’image elle-même cpate plus de noir que de lumière… Quant à la narration, elle n’avance pas vraiment, mais épouse les flux de désirs des personnages. C’est un cinéma ténu, trop ténu pour tenir sa longueur, mais qui sait être à la fois familier et original. En tout cas, même s’il essaye toute sa vie, Christophe Honoré ne fera jamais un film comme cet Extérieur nuit ! Petite correction sur ce que je racontais samedi : le cycle "Art of noir" a mieux fini qu’il n’avait commencé (aveu numéro 3 : j’ai raté ce qui, de l’avis général, était le meilleur film de la sélection, Woman on the run). Mais The Web ('Le Traquenard') s’est avéré une très bonne surprise, avec ses dialogues hilarants et ses acteurs excellents, dont l’impeccable Vincent Price. Surtout, il y a là une très belle production design, ce qui n’était pas le cas des autres films présentés par Eddie Muller et Philippe Garnier. The Web réussissait parfaitement sa mission de divertissement intelligent, classe et sophistiqué, c’est-à-dire tout ce qu’on aime dans le cinéma de genre et la série B. Le dernier film du cycle, 'The Sniper' d’Edward Dmytrik, était plus fastidieux, mais possédait quelques très belles idées et d’excellentes séquences, notamment celles se concentrant sur son serial killer, personnage tragique et torturé dont l’incapacité à se laisser aimer par les femmes le conduit à les mettre à mort avec une rage sexuelle très troublante (pour les représentations de l’époque). Quant à Eddie Muller, il s’est livré à une véritable déclaration d’amour au public lyonnais, stupéfait de voir toutes ses séances complètes et accueillies avec ferveur par les spectateurs. «Ce fut la plus inoubliable expérience de ma carrière», dira-t-il, euphorique. Enfin, c’est Don Siegel, encore et toujours, qui a enchanté ma fin de festival. Les Révoltés de la cellule 11 est un modèle de film carcéral, où l’on retrouve tout ce que l’on a adoré au fil de cette rétrospective : le style, sec et précis ; l’action, constante et tranchante ; l’absence de pathos, remplacé par un point de vue moral à toute épreuve, qui se refuse au schématisme et au manichéisme ; un casting de gueules viriles (Siegel, c’est du cinéma de mecs, là plus encore que d’habitude) impeccablement choisies. Il y a même des surprises, comme cette introduction à base d’images d’actualité posant le sujet du film (une émeute dans une prison américaine) dans son contexte, sans pour autant ouvrir la porte à un film dossier. Je le disais hier, mais je le répète : Siegel est grand, et juste pour cela, ce festival Lumière 2009, qui aura par ailleurs connu un réel engouement populaire, aura eu la grandeur de le rappeler aux cinéphiles.

Christophe Chabert

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Samedi 17 octobre 2009 Il n’y a pas que du bon dans ce festival Lumière. Le troisième jour de projections réservait même quelques déconvenues qui, dans un tel marathon, n’avait qu’un (...)
Vendredi 16 octobre 2009 L’expression «révisez ses classiques» fonctionne à plein sur ce festival Lumière… Quand, à 10h30 et après une nuit de sommeil pour le moins courte, on se (...)
Mercredi 14 octobre 2009 On le sait, les ouvertures de festival ne sont pas ce qu’il y a de plus trépidant pour le cinéphile. The place to be est rarement the place to see et (...)
Mardi 6 octobre 2009 Cinéma / Pendant une semaine, Lyon va vivre au rythme du cinéma de patrimoine grâce à la première édition du festival Lumière. Un nouvel événement aux enjeux nombreux et passionnants. Christophe Chabert
Vendredi 2 octobre 2009 Les coulisses du festival Lumière / Avec l’ultime acte de son long dévoilement, celui des nombreux invités du festival, Lumière 2009 a enfin justifié sa dimension périurbaine : les cinéastes-cinéphiles iront présenter des films dans tous les cinémas...
Mercredi 30 septembre 2009 Difficile à croire, mais les films de Sergio Leone ne sont pas visibles sur les écrans depuis de nombreuses années. Même en DVD, la copie de Pour une poignée de (...)
Mercredi 30 septembre 2009 Au coeur du festival, le Prix Lumière sera remis à Clint Eastwood, en sa présence, lors d'une soirée à la Salle 3000 qui s'achèvera avec la projection de Sur la (...)
Mercredi 30 septembre 2009 Guide pratique du premier festival Lumière : cinq jours de cinéphilie intense à Lyon intra et extra muros, pour refaire de la ville le berceau d'un septième art à l'histoire plus vivante que jamais.
Lundi 21 septembre 2009 Cinéaste et photographe américain mythique, le grand Jerry Schatzberg sera l’invité du «village de jour» du festival Lumière pour une exposition inédite où son regard singulier s’est porté sur… Lyon ! Christophe Chabert
Lundi 14 septembre 2009 Le festival Lumière 2009 sera, le temps d’une soirée, au cœur d’une actualité qui a enflammé la cinéphilie : l’affaire Pierre Étaix. Ou comment le droit moral d’un auteur sur son œuvre se transforme en procédure judiciaire. Christophe Chabert
Vendredi 4 septembre 2009 Coulisses du festival Lumière / Le festival Lumière est en ordre de marche : la programmation est complète, la billetterie ouverte et la géographie du festival s’éclaire. En attendant la liste des invités… CC
Vendredi 28 août 2009 C’est le grand enjeu de la rentrée cinéma lyonnaise : un festival aux moyens conséquents, s’attaquant à un continent gigantesque de la cinéphilie (le cinéma de patrimoine), mêlant invités prestigieux et programmation pointue et investissant le...
Vendredi 26 juin 2009 Le futur festival Lumière 2009 a dévoilé ses grandes lignes et son principe. Mais il faudra encore attendre pour connaître le détail de sa programmation… Christophe Chabert

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X