Hommage / L’autre soir, on tombait sur une édition de "Ce soir ou jamais", l’émission nocturne et culturelle du vaillant Frédéric Taddéï. Il y organisait une revue de presse où des artistes iconoclastes prenaient la gâche des suspects rouillés de l’exercice tels Christophe Barbier, Thomas Legrand ou Nicolas Domenach. Parmi eux, un Fernando Arrabal déchaîné, vouant aux gémonies le capitalisme et prônant de le remplacer par la poésie. Sacré Arrabal ! Dans les années 60, il rencontre l’Argentin Alejandro Jodorowsky et le Français Roland Topor ; ils fondent ensemble le mouvement artistique Panique !, cousin lointain du dadaïsme et du surréalisme dont les principes sont flottants et exclusivement négatifs — pas de limite, pas de censure, pas de morale. Panique ! a donné lieu à du théâtre, de la littérature, mais aussi du cinéma, d’où la rétrospective en trois films organisée par L’Étrange festival… Arrabal réalise en 1971 "Viva la muerte !", film provocateur et furieux racontant dans une forme d’une liberté déroutante les fantasmes érotiques et morbides d’un adolescent pour sa mère dans l’Espagne franquiste. Quelques années auparavant, Jodorowsky avait préparé le terrain avec "Fando et Lis", coécrit avec Arrabal, et "El Topo", un western surréaliste et barré. Mais c’est "La Montagne sacrée", tourné en 1973, qui reste son monument : voyage psychédélique aux forts relents d’acide, le film est une suite de visions ésotériques dans lesquels on s’absorbe jusqu’à l’hypnose (ou pas, car on a le droit de trouver cela un peu chiant…). Des années après la fin du mouvement Panique !, un de ses fondateurs, Roland Topor, tournera avec son complice de Téléchat Henri Xhonneux un film génial et devenu culte : "Marquis". Le Marquis de Sade, embastillé, y dialogue dans sa prison avec son sexe Colin, qui lui dicte les meilleures pages de ses livres. Dans le film, Sade a une tête de chien et Colin ressemble à un ver de terre avec un col roulé et un cerveau. Décapant, visuellement unique, "Marquis" est le point d’orgue de cet hommage rendu au mouvement Panique ! par le festival, qui annonce la présence de Fernando Arrabal pendant la manifestation. Nous réveillera-t-il comme il nous a réveillé l’autre soir ? CC
