Trente ans, toujours putrides !

L’Épouvantable Vendredi de l’Institut Lumière réalise un joli coup avec sa soirée Zombies, où comment faire une généalogie du genre en trois films, un modèle et ses déclinaisons, officielle et officieuse. CC

Et George Romero inventa le zombie… À l’époque, on n’utilisait pas ce terme hérité du vaudou, on préférait celui de "mort-vivant". C’était en 1968, et celui-ci, tel un militant gauchiste parisien, ne sortait que la nuit, mais pas pour faire la révolution, juste pour mordre les vivants. La révolution, c’est Romero qui la fait : dans le genre, débarrassé de ses oripeaux baroques et rendu à un réalisme documentaire crado. Et dans le propos puisque, in fine, le dernier mort-vivant abattu par l’armée n’en est pas un, juste un noir héroïque ayant survécu à l’invasion. Dommage collatéral des préjugés raciaux… Dix ans plus tard, le soleil se lève et les morts-vivants sont en train d’emporter la partie dans Dawn of the dead, que les Français ont rebaptisé Zombie. Romero en profite pour changer d’optique politique : cette fois, c’est le consumérisme qui devient sa cible. Enfermés dans un centre commercial, les survivants constatent que les morts ressemblent à des citoyens abrutis attendant l’ouverture des boutiques. «Ils se rappellent leurs habitudes d’avant», dit un des protagonistes. Du coup, la différence entre les vivants et les morts n’est plus si énorme que ça… Le film est resté comme une référence indépassable, et le cinéaste fermera longtemps la porte à une postérité avec le troisième volet de son cycle, "Le Jour des morts-vivants", où la science cherchait à rendre aux zombies leur humanité.

Plus vite, le zombie

L’Épouvantable vendredi a eu la bonne idée de compléter cette œuvre séminale par ses deux rejetons les plus directs. D’abord son remake officiel, L’Armée des morts, premier film de Zack Snyder, futur réalisateur de 300 et Watchmen. Snyder, venu du clip, arrive à moderniser Zombie par une mise en scène d’une monstrueuse efficacité, se débarrassant de certains codes (les morts piquent maintenant des sprints olympiques) et détournant le discours initial vers des rives assez troubles. Dans le générique, les zombies sont des Musulmans, le bébé zombie est un métis… Pas très Obama, tout ça, mais ça reste un excellent film d’horreur. Beaucoup plus osé, 28 jours plus tard de Danny Boyle situe l’invasion zombie à Londres et la filme en DV, retrouvant le réalisme cracra de Romero. Le film est censé être une œuvre originale ; mais Boyle et son scénariste Alex Garland ne trompent personne : 28 jours plus tardcompresse et digère la trilogie de Romero, et la restitue en accélérant tout (les déplacements des morts, le récit, la mise en scène). Une version post-moderne en sorte, mais qui conserve la violence angoissante du film original.

L’Épouvantable vendredi
"La Nuit des Zombies"
À l’Institut Lumière, vendredi 4 juin.

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