La transe du conquistador

Découverte tardive, vingt ans après sa réalisation, d’un film surprenant du Mexicain Nicolas Echevarria, "Cabeza de vaca", qui met en scène comme un trip éthnologique la découverte de la Floride au XVIe siècle. CC

Comme l’an dernier avec le dément "Toto qui vécut deux fois", ED distribution fait apparaître sur les écrans français un film qui n’eût pas l’honneur de trouver ce chemin en 1991. "Cabeza de vaca" d’un certain Nicolas Echevarria se déroule plus de trente ans après la «découverte» de l’Amérique par Christophe Colomb, et en est comme la version hallucinée, cauchemardesque et mystique. L’embarcation du navigateur Alvar Nuñez Cabeza de Vaca fait naufrage au large des côtes de la Floride ; seul lui et quelques autres survivants regagnent la terre ferme sur un radeau de fortune. L’équipage est immédiatement attaqué par les indigènes, et Alvar Nuñez est capturé puis transformé en esclave par un chef de tribu étrange (un nain sans bras). D’abord humilié par les ordres et les brimades de ces hommes dont il ne comprend ni la langue, ni la culture, il va peu à peu se rapprocher de cette civilisation, révélant même de singuliers pouvoirs de guérisseur.

Avatar mexicain

Cabeza de Vaca n’a rien d’un film arty, même si les références qui viennent immanquablement à l’esprit ("Aguirre" d’Herzog et "La Montagne sacrée" de Jodorowski) le rapprochent d’un cinéma psychédélique, sensuel et narcotique. On pourrait aussi, par un légitime anachronisme cinéphilique, le faire dialoguer avec "Avatar" (les Indiens se peignent en bleu et ressemblent aux Navis, et le trajet du héros, qui prend fait et cause pour le peuple qu’il était venu coloniser, rappelle celui de Worthington). Le film a cependant son ton propre ; parfois hésitant (le jeu expressionniste des acteurs au début, quelques longueurs lors des séquences de «miracles»), mais souvent impressionnant, comme dans les travellings hypnotiques sur le fleuve, ou au cours de la grande hallucination où les fantômes de Nuñez reviennent le hanter. Echevarria témoigne d’un sens frappant de l’ellipse, mais aussi d’une grande finesse pour faire surgir l’étrangeté d’un simple détail dans le plan. Et sa mise en scène est toujours du côté des indigènes, sur lesquels le cinéaste porte un regard documentaire, ultra-réaliste, à l’opposé de la théâtralité des comédiens espagnols. D’où sort ce drôle de film ? D’une nouvelle génération du cinéma mexicain, prête à exploser sur la scène mondiale : Guillermo Navarro, futur chef-opérateur d’Iñarritu et du "Jackie Brown" de Tarantino, en signe les images et un certain Guillermo Del Toro y est crédité comme responsable des maquillages spéciaux. Mais "Cabeza de vaca" est plus qu’une curiosité : un trésor oublié du cinéma des années 90.

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