La Bella Gente

Transposition toujours judicieuse d’un script retors, à la mécanique dramatique impitoyable, le film d’Ivano de Matteo renoue avec la cruauté de la comédie italienne des années 60-70. François Cau

La cinquantaine éclatante, Alfredo et Susanna sont des gens bien. Lui est architecte, elle aide des femmes battues. Des bourgeois de gauche, bien sous tout rapport, qui sont même sympas avec les voisins beaufs de leur maison de campagne. Alors que les vacances se déroulent paisiblement, Susanna assiste au passage à tabac d’une jeune prostituée d’origine étrangère sur le bord de la route. Choquée, elle convainc son mari d’accueillir la jeune fille dans leur home sweet home pour la sortir de son calvaire, sans se douter des conséquences sur sa gentille et proprette vie de famille. Le plus beau compliment qu’on puisse faire au réalisateur, c’est de lui dire que son film ressemble à la version longue d’un sketch inédit des Monstres ou des Nouveaux Monstres, tant il nous laisse sur une impression pour le moins amère. À ceci près qu’à l’inverse des œuvres de Dino Risi, Mario Monicelli ou Ettore Scola auquel il fait écho, le film d’Ivano de Matteo ne propose pas un instantané de la société italienne, mais se dote d’un propos à la portée plus large, qui le rend encore plus féroce.

Chacun à sa place

La Bella Gente, c’est en effet un petit théâtre de la bassesse et de la mesquinerie, d’autant plus cruel qu’il repose en premier lieu sur des intentions nobles, réminiscences du passé militant des protagonistes. Mais petit à petit, finement, les hypocrisies craquellent toutes les relations, et offrent l’implacable portrait en négatif de ce qu’annonçaient les rassurantes prémices. S’il faut bien évidemment rendre grâce au scénario implacable de Valentina Ferlan, petit bijou d’écriture acéré qui ira gratter la surface des mœurs a priori irréprochables de ses personnages principaux jusqu’à les faire saigner, il ne faut pas pour autant oublier le travail tout aussi méritoire du metteur en scène. Déjà, parce qu’il a su imposer, contre l’avis de ses financeurs qui voulaient de la star, un casting impeccable pour camper ces personnages à l’évolution psychologique complexe – quitte à voire son budget et son temps de tournage drastiquement réduits. Et on ne peut que saluer sa réalisation, au service du récit sans être effacée. Avec une saisissante subtilité, il parvient à enchaîner les discrets virages narratifs du film pour finir sur un ultime acte étouffant, dont on se gardera bien de révéler la teneur, mais dont on peut dire qu’avec une économie mesurée de ses effets, il frappe juste et violemment.

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