La guerre des ritals

Improbable venue au Comœdia de Luigi Cozzi, un des derniers maîtres vivants du nanar transalpin, pour présenter son chef-d’œuvre, "Starcrash", et un documentaire consacré à ce sous-genre opportuniste et mercantile. Christophe Chabert

Nostalgie narquoise ou vrai acte de cinéphilie déviante ? Voilà que débarque au Comœdia Luigi Cozzi, ce qui d’une certaine manière s’apparente à vendre un Big Mac chez Nicolas Le Bec. Certes, le temps a transformé l’œuvre de Cozzi en chapitre obscur de l’Histoire du cinéma, et mérite effectivement qu’on la traite en tant que telle. Mais il faut aussi dire tout haut qu’on est là face au pire du pire du cinéma : des films faits uniquement pour le pognon, surfant sur les succès du moment en pillant toutes leurs recettes sans le moindre talent, même pas celui pourtant peu glorieux de la copie éhontée.

Vide sidéral

Car y avait-il en 1979 des spectateurs qui, face à "Starcrash", ont vraiment pensé voir l’équivalent européen de "Star wars" et de "Star Trek" ? Cozzi et ses scénaristes ne se privent pas pour mixer les deux dans un improbable gloubiboulga tellement cheap qu’il est à hurler de rire (ou à pleurer de dépit). Les maquettes sentent le balsa ou le plastique, les créatures en latex font passer celles de Bioman pour des effets spéciaux de chez ILM, les rayons laser semblent avoir été coloriés au stylo feutre sur la pellicule et le héros est un clone de Stéphane Bern. Pendant les dix premières minutes, le film est si passionnant que les personnages regardent sans interruption le hublot de leur vaisseau spatial. Plus tard, débarquant sur une planète qui ressemble à un terrain vague aux alentours de Cinecitta, ils tombent nez à nez avec des hommes des cavernes dont le maquillage grotesque a sans doute inspiré les deux réalisateurs du tout aussi nul "Humains". Mais le sommet de "Starcrash", ce sont ses acteurs et ses dialogues. Car, par une magie qui s’appelle carnet de chèque, Cozzi a réussi à attirer dans cette galère une poignée de comédiens dont la présence rend l’affaire encore plus surréaliste. Caroline Munro, particulièrement maltraitée avec ses maillots de bain serrés et son eyeliner dégoulinant, allait retrouver ensuite Joe Spinell pour ce superbe film de serial killer qu’est "Maniac" ; et David Hasselhoff noiera dans l’alcool télévisuel son brushing gay friendly en devenant le héros de "K2000" et d’"Alerte à Malibu". Tous se débattent avec des répliques imbitables, des punchlines éculées et un charabia SF auquel ils ne semblent pas piger un broc. Enfin, pour la mémoire de John Barry, il aurait mieux valu ne pas rappeler qu’il avait composé la musique de cette daube interstellaire sur laquelle papy Cozzi a sans doute une foule d’anecdotes à raconter. Ou pas.

Starcrash
Au Comœdia, en présence de Luigi Cozzi
Mercredi 23 mars

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