Volutes américaines

Reprise / "Il était une fois en Amérique", le chef-d’œuvre de Sergio Leone, ressort en copies neuves. Christophe Chabert

Sergio Leone a longuement mûri ce qui allait être son chant du cygne, précoce pour un cinéaste alors au sommet de son ambition d’artiste. Lui, l’Italien qui fantasma toute sa vie une Amérique dont il réinventait la légende en rêvant librement à partir de son cinéma, mettait enfin les pieds sur cette terre promise. Mais, comme conscient de ce statut d’éternel étranger, son Il était une fois en Amérique est aussi une forme de long rêve (3h45), encadré dans des volutes d’opium que le personnage principal, Noodles (De Niro), inhale pour oublier un passé qui le hante. Ses premiers émois érotiques d’adolescent, les mauvais coups effectués avec la bande qu’il avait formée autour de Max (James Woods), puis leur business mafieux florissant dans les années 30 où le gang met à mal rivaux, policiers et politiciens avec une énergie conquérante, cette même énergie qui provoquera leur chute quand l’ambition et les trahisons prendront le pas sur l’intérêt commun… Leone, grand cinéaste marxiste, montre que l’individualisme n’est jamais très loin quand l’argent est en jeu, et que le système lave plus blanc, transformant une crapule en homme politique respectable. Le génie d’Il était une fois en Amérique, c’est de replier sans cesse la fresque sur des anecdotes intimes : la jolie danseuse que l’on observe par un trou de souris (Jennifer Connelly, encore toute jeune, déjà fascinante), la charlotte aux fraises que l’on mange en attendant la fille qui vous a promis une branlette en échange, un coup de folie qui s’achève par une voiture plongeant dans un lac… Ce film proustien, source d’émerveillement pour les spectateurs depuis sa sortie, revient enfin sur les écrans en copie neuve. C’est le plus beau cadeau de cette Fête du cinéma.

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