Super 8

Hommage aux productions Amblin de Spielberg, le troisième film de J. J. Abrams réussit à déborder son caractère référentiel par une belle déclaration d’amour au cinéma et à la part d’enfance nécessaire pour en faire. Christophe Chabert

Jusqu’ici, la carrière au cinéma de J. J. Abrams, créateur d’Alias et de Lost, se bornait à redonner du souffle à des franchises en leur ajoutant une dose de romanesque héritée de la culture série. Avec Super 8, Abrams prend le contrôle total d’un long-métrage, écriture du script compris, et prouve qu’il est plus qu’un geek faisant des cadres penchés en longue focale pour donner du style à ses films. La première image, audacieuse, pose les bases de son histoire par la seule mise en scène : dans une usine de l’Ohio que l’on n’aperçoit qu’en arrière-plan, un ouvrier grimpe sur une échelle pour décrocher les chiffres figurant le nombre de jours depuis le dernier accident, et remet le compteur à zéro. Raccord immédiat : un gamin triste sur une balançoire dans un décor enneigé. Ces images muettes suggèrent le drame fondateur du film : Joe Lamb vient de perdre sa mère, et son père, officier de police, va devoir s’occuper d’un fils jusque-là négligé. Ce microcosme intime s’élargit ensuite aux amis de Joe, réunis pour tourner en super-8 (en 1979, époque où se déroule l’action, il n’y avait pas de Canon 5D !) un film de zombies amateur. Charles, le réalisateur, ne jure que par la production value, cette façon de créer du spectacle à l’image sans dépenser un rond ; Carey, responsable des effets spéciaux, trouve surtout l’occasion d’assouvir ses pulsions de pyromane ; et Martin, l’acteur principal, se pénètre de son rôle tel un vieux briscard de l’Actor’s studio.

Le maître et ses élèves

Cette évocation à hauteur d’enfants du trauma personnel qui pousse à se réfugier dans la fiction est bousculée par l’irruption d’un spectacle beaucoup plus hollywoodien pour nos yeux, mais bien réel pour ceux des gamins : un train explose, un monstre s’évade et sème la terreur dans cette petite ville quadrillée par l’armée. Le train fantôme d’Abrams rencontre celui des enfants, les effets spéciaux numériques sont incorporés à l’image rayée du cinéma d’amateur. Mais de l’un à l’autre, c’est le même désir d’imitation des maîtres admirés qui circule : celui d’Abrams se nomme Steven Spielberg, et Super 8 rend un hommage appuyé aux productions Amblin de son mentor — mais aussi à ses films plus récents et plus sombres, comme La Guerre des mondes. Si le metteur en scène gère maladroitement les passages de comédie (un personnage de teenager fumeur de joints, surtout), il tire toujours son œuvre vers le haut par une absence d’ironie envers son sujet. En découle une belle profession de foi envers un cinéma bricolé avec plus d’idées et de sincérité que de moyens, où la technique se dissout dans des émotions primaires, universelles et intemporelles.

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