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Habemus Papam

Nanni Moretti invente une fiction où la fonction (papale) réveille le vague à l’âme d’un cardinal qui se rêvait comédien. Ce n’est pas une farce mais une belle comédie douce-amère avec un Michel Piccoli formidable d’évanescence. Christophe Chabert

Habemus papam débute par une collision de cérémoniaux. Il y a celui qui précède l’élection d’un nouveau pape, lui-même décomposé en plusieurs petits rituels : le défilé des cardinaux en habits se poursuit par une séance de vote où chacun d’entre eux hésite sur le nom qu’il va inscrire, puis tremble à l’idée que son voisin le désigne. Là où l’on imaginait Nanni Moretti fidèle à lui-même, sacrifiant sa mise en scène sur l’autel du sarcasme, c’est l’inverse qui se produit : on a rarement vu réalisation aussi appliquée de la part du cinéaste de Journal intime, et son humour sert pour une fois la crédibilité de la situation. Si ironie il y a, elle se fait à l’encontre de l’hystérie journalistique qui fait rage à l’extérieur du Vatican, où les télés font le pied de grue en commentant l’absence d’événement — car l’élection s’éternise. Déjà, Moretti pose le principe du film : un va-et-vient entre ce qui (ne) se passe (pas) dans les murs — urbi — et la vie qui se répand anarchiquement au-dehors — orbi. Quand Moretti, psychanalyste dans la fiction, viendra à la rescousse du nouveau Pape, submergé par la tâche qui lui incombe et incapable de l’affronter, on pense qu’il va introduire cette vie-là dans le cercle secret des hautes sphères catholiques.

Ceci est son corps

Or, ce n’est pas tout à fait ce qui arrive. Car l’approche psy tourne court et le Pape s’échappe dans les rues de Rome, tandis que l’analyste est enfermé contre son gré au Vatican. Moretti s’amuse alors à renverser discrètement le grand dualisme chrétien : le Pape va s’approcher de ses rêves d’enfance disparus (être un acteur de théâtre), seul moyen d’apaiser une âme devenue trop lourde à charrier ; le psy, lui, organise un vaste tournoi de volley ball avec les cardinaux, qui font l’apprentissage de la légèreté du corps, transcendés par l’esprit d’équipe. Belle idée, un peu disproportionnée dans son traitement à l’écran, et qui révèle la limite du cinéma de Moretti : il passe toujours par des coups de force scénaristiques pour avancer dans ses intrigues, incapable de relier les actes entre eux sinon par de la fantaisie pure. On s’attache donc surtout au parcours de ce Pape, vieillard aux yeux fatigués mais au regard malicieux, en grande partie par la force d’incarnation que lui confère Michel Piccoli. L’acteur ne fait pratiquement rien à l’écran, mais tout chez lui paraît porteur de mille émotions. Évanescent et pourtant si présent, Piccoli synthétise toute la beauté tranquille d’Habemus papam.

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