Polisse

Avec son troisième film, Maïwenn tente de sortir de l'autobiographie en mettant en scène une brigade de protection des mineurs. Mais sa fiction chorale est rattrapée par une mise en scène qui ne cherche qu'à reproduire les codes du reportage télé. Christophe Chabert

Au terme des 2 heures de Polisse et de son insupportable conclusion, ultime faute de goût d'un film qui en commet beaucoup, une question se pose : que veut Maïwenn avec cette chronique hystérique, répétitive et sans enjeu d'une brigade de protection des mineurs où le défilé des cas alterne avec la difficulté pour ces flics à mener à bien leur vie personnelle ? Le film n'est que coups de poing et baffes envoyées sans répit dans la figure du spectateur, avec un style pseudo-documentaire qui s'inspire plus de Zone interdite que de Ken Loach. Quelque chose ici traduit une peur phobique de la fiction, les personnages marinant dans leur stéréotype, de la femme bafouée au policier intello de gauche (Jérémie Elkaim, ah, ah, ah !), du couple soudé à la fille trop seule. Quant à Maïwenn, elle débarque dans son film avec un rôle-alibi transparent et révélateur : une photographe bourgeoise venue faire un reportage dans la vraie vie. Mue par la curiosité puis par l'indignation, l'actrice-réalisatrice ne connaît que deux registres pour raconter son histoire : l'engueulade ou la scène-choc. Dans le premier, Polisse est lassant ; dans le second, il est parfois efficace, notamment quelques séquences d'action plutôt prenantes. Mais les deux convergent vers un même horizon : faire disparaître l'épaisseur du cinéma pour délivrer un discours massue, à sens unique, où l’on ne s’identifie plus à la complexité des personnages et des sujets abordés mais à la souffrance des victimes.

Kiffe ton keuf

Le film, dès lors, n’a même plus besoin d’un scénario, d’une mise en scène ou d’une évolution dramatique. Il n’est qu’empilement de dossiers supposés faire la radioscopie des sévices infligés aux enfants : mendicité organisée, pédophilie, inceste, prostitution… Avec, en bout de course, un discours douteux : les puissants et les pauvres sont renvoyés dos-à-dos dans un même mépris envers leurs progénitures, et seuls les flics semblent avoir une conscience sociale et une sensibilité. Dans cette débâcle esthétique et idéologique, la performance de JoeyStarr est comme un îlot de résistance. D’abord, son personnage est le seul à accomplir un réel trajet à l’intérieur de la fiction ; ensuite, il porte sur ses épaules les moments les plus casse-gueule (et les plus réussis) du film. Trop fragile derrière sa carcasse massive, grande gueule mais plein de compassion envers son entourage, JoeyStarr se saisit de ce surprenant contre-emploi pour délivrer une interprétation remarquable. Au milieu de ce Polisse funeste, un immense acteur est peut-être né.

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