Time out

Dans cette fable politique où le temps remplace l’argent, mais où la lutte des classes est toujours à l’ordre du jour, Andrew Niccol semble avoir oublié de remplacer les clichés par du cinéma. Christophe Chabert

Un bon film d’anticipation parle toujours du temps présent. Andrew Niccol, qui jusque-là avait mené un parcours sans faute, de Gattaca au scénario du Truman show en passant par Lord of war, démontre avec Time out que les mauvais films d’anticipation aussi… Pas besoin d’avoir lu Indignez-vous de Stéphane Hessel et Qu’ils s’en aillent tous de Jean-Luc Mélenchon pour saisir de quelle réalité nous parle le cinéaste derrière sa métaphore. Nous sommes dans un futur proche (en attestent les décors, reproduction à peine outrée des quartiers pauvres et des centres d’affaires d’aujourd’hui) où chaque individu, arrivé à son vingt-cinquième anniversaire, ne vieillira plus. Argument houellebecquien (le culte de la jeunesse comme ultime valeur de nos sociétés consuméristes) qui s’accompagne d’un bémol de taille : passée l’année de crédit offerte, il faudra gagner du temps au sens le plus littéral de l’expression, celui-ci étant devenu l’unité monétaire du pays. Mais cela ne change rien à l’affaire sociale : les riches vivent éternellement à un rythme de sénateur, les pauvres triment toute la journée et courent comme des lapins pour ne pas perdre leurs précieuses secondes.

Le temps, c’est de l’argent

Niccol, il l’a prouvé, a le sens du concept ; en tant que cinéaste, il a l’intelligence d’aller piquer les collaborateurs des frères Coen pour donner de l’élégance à ses mises en scène (ici, Roger Deakins à la photo). Mais avec Time out, il se heurte aux limites évidentes de son scénario, malin mais guère subtil. Dès que son héros prolo (Justin Timberlake, toujours intéressant) s’aventure dans New Greenwich, le quartier des banques de temps et des nantis décadents, le film ne semble plus avoir qu’une obsession : filer sa métaphore en un maximum de scènes signifiantes et clins d’œil à l’actualité. Ni la romance très Bonnie and Clyde, ni le côté Robin des montres du combat Obama-like mené par Timberlake (redistribuons le capital-temps ! Luttons contre la spéculation et l’inflation !) ne font décoller une intrigue bourrée de péripéties redondantes et peuplée d’une multitude de méchants qui s’annulent les uns les autres. Résultat : le film se traîne paresseusement entre son premier et son dernier acte, comme s’il suffisait d’avoir des choses à dire pour assurer le spectacle. Dommage car cet appel à l’insurrection nous était sympathique sur le principe.

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