Madagascar 3 : Bons baisers d'Europe

Même si l’hystérie et les incohérences scénaristiques sont toujours au rendez-vous, ce nouveau Madagascar prouve que les productions Dreamworks sont en progrès, puisqu’on y trouve en plus des morceaux de bravoure quelques francs moments de mise en scène. Christophe Chabert

Le combat feutré que se mènent Pixar et Dreamworks est avant tout une question de méthode : là où Pixar choisit de miser sur la créativité d’une solide équipe interne (au risque de la fuite des cerveaux, cf Brad Bird et Andrew Stanton), Dreamworks pratique le débauchage. En recrutant Guillermo Del Toro comme directeur artistique, le studio a d’abord amélioré le design de ses productions, jusqu’ici d’une rare laideur ; le voilà qui, maintenant, va chercher ses auteurs dans le cinoche indépendant le plus pointu. Ainsi retrouve-t-on au scénario de Madagascar 3 Noah Baumbach, complice de Wes Anderson et réalisateur de jolis films comme Les Berkman se séparent et Greenberg. Ben Stiller, qui prête sa voix au lion Alex dans la série, a sans doute exfiltré Baumbach et lui a mis entre les mains cette nouvelle aventure où les animaux du zoo de New York tentent de retrouver leurs pénates en faisant un crochet européen où ils croisent le destin d’un cirque en pleine panade.

Europe-bashing

Madagascar 3 commence très fort avec une scène de cauchemar se référant à Salvador Dali, puis par un morceau de bravoure hallucinant où la bande s’introduit dans le casino de Monte-Carlo, avant de semer le chaos dans les rues de Monaco — une revanche pour nous, Français. Entre les deux, un énorme raccourci scénaristique pointe les limites de l’affaire : chez Dreamworks, on se contrefout de la crédibilité, et le côté passe-muraille de toutes les péripéties s’avère une coupable facilité pour déverser ensuite une hystérie qui se voudrait cartoonesque mais qui n’est que peur du vide.

Pourtant, Madagascar 3 surprend par bien des aspects. D’abord, on y trouve enfin un(e) vrai(e) méchant(e), Chantal Dubois (Frances MacDormand en VO, qui se paie le luxe de parodier notre Marion Cotillard nationale faisant son Édith Piaf), plutôt qu’un éparpillement de menaces anecdotiques. L’Europe-bashing est aussi un des atouts amusants du film (on y dit qu’en France, on travaille vingt jours par an !), mais c’est finalement la mise en scène qui, par instants, s’avère plus inspirée qu’à l’accoutumée. La découverte de l’ours à vélo (grande trouvaille du film) est présentée comme une scène d’horreur, le flashback sur le tigre Vitali témoigne d’une plasticité de l’espace-temps assez géniale et le clou du spectacle, un cirque de lignes fluorescentes digne de Tron, est assez vertigineux. Cela n’enlève pas la visée authentiquement commerciale de l’ensemble, mais de la part de Dreamworks, on n’en demandait pas tant.

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