Un Mann, un vrai

Pour démarrer son cycle consacré au cinéma des années 80, le Comœdia propose le très rare et peu connu Solitaire de Michael Mann, film héritier des années 70 mais amorçant déjà les 80’s rutilantes et le style de son réalisateur. Christophe Chabert

Le Solitaire (Thief en VO, à ne pas confondre du coup avec le navet de Jacques Deray avec Belmondo) est le premier film tourné pour le grand écran par Michael Mann. À la sortie de Drive, on a pointé les ressemblances entre le travail de Nicolas Winding Refn et celui mené à l’époque par le futur cinéaste de Heat. On y trouve dans les deux cas un hors-la-loi héroïque et romantique menant une double vie, progressivement happé dans une mécanique criminelle s’opposant à ses principes et à ses méthodes, ce qui le contraint à un déchaînement de violence pour préserver celle qu’il aime.

Plus globalement, Le Solitaire et Drive partagent une même volonté de transcender un scénario de série B truffé de codes et de clichés par le style et la mise en scène, mais aussi par l’érotisation de leur héros. Si Ryan Gossling figure une sorte d’ange asexué, James Caan est, à l’inverse, un monstre de virilité assumée, premier d’une longue liste dans la filmo de Mann.

Sortir de la marge

Le Solitaire s’ouvre sur une spectaculaire séquence de casse où Frank (Caan) démontre la maîtrise millimétrée avec laquelle il exerce son activité de voleur. Les nappes synthétiques de Tangerine Dream accompagnent en métronome l’alternance entre la précision de ses gestes et les plans macroscopiques qui s’infiltrent dans les trous percés par le cambrioleur.

Héritier des cinéastes des années 70, Mann reprend la figure de l’anti-héros, en marge de la loi, non pas solitaire — au contraire, le récit ne cesse de lui donner des repères, femme, enfant, mentor, associés — mais individualiste, donc en proie à toutes les micro-sociétés qui s’organisent autour de lui (flics corrompus et mafieux soucieux de lui faire épouser les règles du business). Le film opère pourtant un vrai renversement, qui annonce le retour à l’ordre moral des années 80 : son idéal est de se ranger des voitures, fonder une famille, s’échapper de l’urbanité. Idéal que Mann traite avec un sérieux un peu ringard, à coups de ralentis sur la plage et de couples s’ébrouant dans les vagues.

Cette grammaire-là s’avère nettement plus efficace lors de l’explosion de violence finale, dialoguant à la fois avec l’Antonioni de Zabriskie Point et le Peckinpah de La Horde sauvage. Signe de l’ambition d’un cinéaste qui, passé l’échec de La Forteresse noire, ne cessera de s’affirmer comme un des auteurs les plus puissants d’Hollywood.

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