Survivre

Survivre
De Baltasar Kormákur (Islande, 1h33) avec Ólafur Darri Ólafsson, Jóhann G. Jóhannsson...

À la fois documentaire sur les pêcheurs islandais, récit véridique d’un homme luttant pour sa survie et critique d’une science qui réduit l’humain au statut de rat de laboratoire, "Survivre" marque le retour réussi de l’insaisissable Baltasar Kormákur sur ses terres natales. Christophe Chabert

Survivre s’inspire d’un fait réel survenu en 1984 en Islande : un chalutier a sombré aux larges des côtes d’une île volcanique, et le seul survivant a réussi l’exploit de rejoindre la terre ferme en nageant dans les eaux glacées des heures durant. Cet homme, Gulli, n’a pourtant rien d’un héros : simple prolo traînant avec ses acolytes dans les pubs de l’île, il est un individu introverti et solitaire qui charrie un trauma d’enfance, l’évacuation de sa famille lors d’une éruption du volcan.

Il n’y a a priori rien à expliquer : qu’est-ce qui fait que Gulli survit alors que tous ses camarades meurent d’hydrocution ? Les flashbacks imaginés par Kormákur pourraient fournir une élucidation psychologique à ce "miracle" : la volonté de ne pas partir sans avoir dit au revoir à ceux que l’on aime et ne laisser aucun regret existentiel derrière soi. Certes. Mais ce choix de densifier le passé du protagoniste est tout autant un gimmick narratif — pas toujours heureux, d’ailleurs — qu’une véritable piste pour comprendre sa résistance physique et morale.

La volonté de ne pas savoir

De toute façon, dans sa première heure, Kormákur s’attache surtout à construire un modèle de film catastrophe : prenant le temps de poser son décor humain et géographique dans une reconstitution presque documentaire du quotidien des pêcheurs islandais, puis orchestrant avec une efficacité héritée de ses expériences hollywoodiennes le naufrage et la lutte pour la survie de Gulli, le cinéaste réussit son retour sur ses terres natales. La deuxième partie, notamment, est parcourue par de vrais moments de bravoure, au sens propre autant que cinématographique du terme.

Vient alors le dernier acte : alors que Gulli semble lui-même incapable de comprendre ce qui lui est arrivé, ce sont des journalistes, puis des scientifiques, qui vont chercher à éclaircir le mystère. Kormákur oppose alors le mutisme terrien de son personnage à la volonté de savoir qui s’abat sur lui.

Le cinéaste doit sans doute s’identifier à son personnage : lui aussi aime brouiller les pistes, capable de tourner des (plutôt bonnes) séries B d’action en Amérique (la prochaine : 2 guns, avec Wahlberg et Washington) ou de se lancer dans un projet personnel comme celui-ci, sans jamais se mettre en avant. Un anti-auteur, en quelque sorte, ce qui rend son parcours aussi curieux que sympathique.

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