Stoker

Stoker
De Park Chan-wook (ÉU-Ang, 1h40) avec Mia Wasikowska, Nicole Kidman...

Après avoir croisé "Thérèse Raquin" et un film de vampires dans "Thirst", Park Chan-wook se délocalise en Australie pour passer "L’Ombre d’un doute" au filtre de l’horreur gothique. Le résultat, ultra stylisé et plutôt distrayant, se présente comme une récréation dans son œuvre. Christophe Chabert

Une veuve éplorée, un oncle bellâtre prénommé Charlie revenu d’un long voyage à l’étranger et une adolescente introvertie nommée India à l’imaginaire macabre : voici les ingrédients de Stoker, drôle de film longtemps attendu qui marque les premiers pas de Park Chan-wook hors de sa Corée du Sud natale. Pas exactement aux États-Unis, mais sous la bannière australienne, avec deux actrices principales du cru : Mia Wasikowska, épatante et Nicole Kidman,  par ailleurs coproductrice, dont la carrière se risque de plus en plus vers des rivages troubles qui lui vont plutôt bien.

Plus exotique encore, le scénario est signé Wentworth Miller, le beau gosse de la série Prison break, et on aimerait bien jeter un œil à son script tant celui-ci reprend — sans le citer, et c’est sans doute un tort — L’Ombre d’un doute d’Hitchcock. Dans son précédent Thirst, Park Chan-wook s’amusait déjà à relire l’intrigue du Thérèse Raquin de Zola dans l’univers contemporain et fantastique du film de vampires. C’est à une greffe du même ordre qu’il s’adonne ici, en déversant à l’écran une esthétique de conte gothique et horrifique pour redoubler l’inquiétante étrangeté qui s’empare de la famille Stoker.

Gothique pas toc

De fait, Stoker vaut surtout pour les trésors stylistiques déployés par la mise en scène, où chaque plan est prétexte à une invention graphique. L’histoire, elle, suit à peu près fidèlement le film d’Hitchcock, levant quelques sous-entendus sexuels tabous à l’époque et transformant India en une descendante à peine masquée des héroïnes de Stephenie Meyer.

On peut juger tout cela passablement désincarné et reprocher à Park Chan-wook de se reposer sur ses talents d’illustrateur virtuose. On peut aussi trouver que ce divertissement bizarre ne fait que prolonger en mode mineur les expérimentations menées dans son film précédent : en effet, Stoker montre que le cinéaste pense que les récits ont tous été déjà racontés, et que seule une sidération visuelle permanente et un certain sens de l’hybridation peuvent leur redonner de l’allant.

On prend donc un certain plaisir face à cette farce joyeusement amorale, quand bien même on a toujours un train d’avance sur le scénario, comme devant un nouveau genre de film pop-corn où le metteur en scène aurait repris ses droits.

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