Le Géant égoïste

Le Géant égoïste
De Clio Barnard (GB, 1h31) avec Sean Gilder, Siobhan Finneran...

Deuxième film de Clio Barnard, cette puissante fable sociale sur deux gamins qui récupèrent des câbles électriques pour un ferrailleur peu scrupuleux s’inscrit dans la lignée du réalisme social anglais, de Loach à Andrea Arnold, qu’il métamorphose avec audace en western contemporain. Christophe Chabert

Dans le far west américain, les hors-la-loi attaquaient les trains pour en dérober les objets de valeur. Dans l’Angleterre d’aujourd’hui, les richesses sont planquées au fond des coffres des nantis, et l’or n’est plus dans les wagons mais autour, sur les lignes de chemins de fer où l’on trouve des câbles électriques et du cuivre, risqués à voler mais faciles à revendre.

Un business comme un autre pour Arbor et Swifty, deux gamins en rupture complète avec la société — école et famille dans le même sac de nœuds — qui trouvent dans un ferrailleur pas très net leur mentor et leur patron. Car ce Kitten organise des courses de chevaux clandestines la nuit sur le périphérique ; comme Swifty sait s’y prendre avec les bourrins, il devient son protégé, pendant que le tempétueux Arbor redouble d’énergie pour satisfaire son employeur.

Amitié électrique

L’enfant redevenu sauvage à force de vivre dans la précarité, les petites mafias du quotidien, la déréliction sociale ; on connaît cela désormais par cœur, c’est l’horizon du réalisme anglais. Loach en a posé les bases, qu’Andrea Arnold a stylisées ensuite dans son formidable Fish Tank auquel Le Géant égoïste fait beaucoup penser. C’est justement par l’horizon que Clio Barnard, dont c’est le deuxième film mais la première incursion dans la fiction, arrive à se singulariser : la façon dont elle filme les paysages du nord de l’Angleterre, étendues désertiques ou ensembles urbains désolés et fantomatiques, font ressurgir quelque chose du western fordien — Ford qui adapta aussi Les Raisins de la colère et planta sa caméra dans l’Irlande bagarreuse pour L’Homme tranquille.

Le réalisme du film est constamment débordé par une forme d’imaginaire à la fois prosaïque et poétique auquel le dernier acte, qui prend aux tripes, donne des allures de fable morale sur la naissance d’une conscience, le pardon et le prix à payer pour y accéder. La vérité des rapports entre Swifty et Arbor, jusque dans la jalousie qui vient entacher leur amitié, trouve dans cet univers fait de cruauté et d’émerveillement une passionnante chambre d’écho.

Le Géant égoïste
De Clio Barnard (Ang, 1h30) avec Conner Chapman, Shaun Thomas…

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