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Louise l'insoumise

Un beau dimanche
De Nicole Garcia (Fr, 1h35) avec Louise Bourgoin, Pierre Rochefort...

Ancienne des Beaux-arts, ex-Miss météo du "Grand Journal" sur Canal + récupérée par le cinéma industriel français, Louise Bourgoin s’affirme enfin comme une comédienne libre et accomplie avec "Un beau dimanche". Christophe Chabert

L’histoire est connue mais mérite d’être rappelée : alors qu’elle étudie les Beaux-Arts à Rennes, celle qui ne s’appelle pas encore Louise Bourgoin se retrouve à jouer les mannequins pour des photos de mode. Ce drôle de mélange entre profondeur et superficialité, approche conceptuelle et glamour sur papier glacé déterminera la suite de son parcours : animatrice télé sur le câble, puis Miss Météo dans Le Grand Journal de Canal +, où ses prestations marqueront durablement l’exercice au point de devenir l’étalon de toutes celles qui s’y essaieront ensuite. Dans ce cadre a priori rigide, elle utilise ses atours sexy et son naturel éclatant pour en faire des armes de distraction massive, donnant à ses interventions des airs de performances subversives. Sur le plateau, elle n’a peur de rien, ni de la nudité, ni du ridicule, ni des invités en tournée promo — version people — ou en tournée de propagande — version politique…

«Sur les rotules»

C’est justement pour la promo du dernier film de Nicole Garcia, Un beau dimanche, qu’on la rencontre, dans un chalet-restaurant cerné par d’abondantes chutes de neige, quelques jours avant Noël. Elle signe le Livre d’or et en profite pour exécuter un dessin rapide — et plutôt pas mal… La star de cinéma et l’ancienne aspirante artiste, réunis dans un même geste. Sauf que, dans Un beau dimanche comme précédemment dans Tirez la langue mademoiselle d’Axelle Ropert et La Religieuse de Guillaume Nicloux, Louise Bourgoin ne joue pas du tout les stars, mais se contente de faire son métier. Nonne cruelle ou par deux fois mère célibataire, objet de désir ou machine à désirs troubles, ce n’est pas seulement la nature "sérieuse" de ces rôles-là qui donne l’impression d’un cap franchi dans son rapport au jeu ; c’est aussi la quête d’une incarnation purement physique des personnages, par la raideur glacée, l’épuisement ou l’énergie vitale.

Dans Un beau dimanche, à la manière des comédiens issus de la méthode Stanislavski, elle multiplie les actions pragmatiques : remplir un verre, faire la vaisselle, installer des tables… Avec elle, le film échappe à la psychologie qui le paralyse même si, dixit Louise Bourgoin, Nicole Garcia cherche sans cesse à la fuir sur le plateau :

«Nicole pense qu’il faut garder une certaine inconscience et que ça passe par le corps, la chorégraphie… Elle imposait toujours une position physique de départ. C’était parfois très désagréable car ce n’était pas la position à laquelle j’aurais pensé, mais je m’y suis faite, et j’ai transformé l’idée de la position en sentiments.»

Elle ajoute :

«Le film m’a laissé sur les rotules et ça se sent dans celui d’Axelle, que j’ai tourné tout de suite après.»

«C’est le film la star»

Paradoxe : alors qu’elle est moins au centre des plans — même si celui qui termine Un beau dimanche semble la sublimer dans un abandon total, résumant tout le chemin parcouru par l’actrice comme par le personnage — on ne voit qu’elle à l’écran. Ses premiers rôles pour le cinéma faisaient l’inverse : Anne Fontaine (La Fille de Monaco), Rémi Bezançon (Un heureux événement), Luc Besson (Adèle Blanc-Sec) et Frédéric Beigbeder (L’Amour dure trois ans) la renvoyaient à l’image de jolie fille nature qu’il suffit de laisser vivre devant la caméra pour attirer la sympathie du spectateur, néo-Bardot passée au crible du post-modernisme. Dans Adèle Blanc-Sec, Bourgoin est utilisée comme à la télé, préparant des vannes et des clins d’œil complices comme si elle était autant en train de regarder le film que de jouer dedans ; et dans L’Amour dure trois ans, elle est à peine plus qu’elle-même, Beigbeder poussant le vice jusqu’à l’obliger à regarder Le Grand journal lors des dernières séquences…

Elle résume très bien tout cela en disant :

«Au début, j’ai joué dans des films qui étaient centrés sur la performance de l’acteur. Ça m’a beaucoup servi et je ne le regrette pas du tout. J’avais besoin de tester mon instrument, mes limites, savoir quand j’en fais trop ou pas assez. J’ai appris en public.»

La bascule entre la fille-qui-faisait-de-la-télé et la comédienne se joue là : entre des cinéastes qui attendent qu’elle comble les failles de leur mise en scène et d’autres qui cherchent simplement à ce qu’elle la serve au mieux en respectant sa cohérence.

«Avec Nicole ou Axelle, c’est le film la star…».

On la voit mal du coup faire machine arrière, et elle le confirme en citant ses admirations de spectatrice et ses rêves d’actrice :

«Cronenberg, Gregg Araki, Larry Clarke. Mon préféré de tous, c’est Terrence Malick, comme tout le monde. J’adorerais jouer pour Arnaud Desplechin, Ursula Meier ou Céline Sciamma. Ce sont des gens qui inventent des choses, qui sont bien conscients de leur place dans l’histoire du cinéma, et j’admire beaucoup ça.»

En attendant, elle a terminé son premier film américain (Mojave de William Monahan, scénariste des Infiltrés et de Kingdom of Heaven, avec Oscar "Llewyn Davis" Isaac et Garrett Hedlund) et s’apprête à tourner dans celui de son ami Laurent Larivière,

«l’histoire d’une femme qui rate à Paris et qui retourne vivre à Roubaix.»

Rien d’autobiographique là-dedans, donc…

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