The Tribe

The Tribe
De Myroslav Slaboshpytskiy (Ukr-PB, 2h12) avec Grigoriy Fesenko, Yana Novikova...

Descente dans l’enfer d’un pensionnat ukrainien pour sourds-muets où règnent la violence et la loi de l’argent, tournée avec des partis pris radicaux mais magistralement tenus par Myroslav Slaboshpytskiy. Un des chocs de la rentrée. Christophe Chabert

The Tribe, c’est d’abord l’expérience d’un film en langue des signes, sans sous-titres ni traduction. Un choix radical qui brusque les habitudes du spectateur et le pousse à décupler son attention non pas pour comprendre ce qui se "dit" à l’écran, mais pour s’y forger de nouveaux repères. Myroslav Slaboshpytskiy, dont c’est le premier film, rappelle à quel point la mise en scène est avant tout affaire de sensations visuelles et sonores — car si le film ne parle pas, il est agité de tous les bruits qui traversent ses plans, qu’aucune musique ne vient perturber.

Très vite, il n’y a guère de difficultés à suivre l’histoire de Sergueï, adolescent débarquant dans un pensionnat pour sourds-muets "gouverné" par une poignée de délinquants qui gagnent de l’argent en prostituant deux filles du centre. D’abord rudoyé par la bande, il finit par en devenir un des membres et même l’agent le plus actif, jusqu’à ce que le désir s’en mêle.

 

L’Ukraine, sans commentaire

Slaboshpytskiy accompagne son héros par de longs plans séquences parfaitement réglés — presque trop, tant sa maîtrise joue parfois contre un élémentaire réalisme des situations — et surtout d’une impressionnante force visuelle. Ainsi, le choix du grand angle et de la steadycam permet d’embrasser l’espace dans une continuité fluide qui crée un sentiment de tension permanente. Car The Tribe est construit comme une descente aux enfers, ou plus exactement comme un crescendo de violence et d’humiliations que le cinéaste parvient à maintenir à bonne distance pour éviter toute complaisance. Certes, on y assiste à un avortement en temps réel particulièrement douloureux et à quelques passages à tabac assez rudes ; mais aussi brutal soit le film, il conserve une logique implacable, dont la séquence finale, terrible et absurde en même temps, est l’aboutissement cruel.

Vient même se dessiner, à travers les rouages de cette micro-société gangrenée par l’argent et la loi du plus fort, une parabole de l’Ukraine d’aujourd’hui, tiraillée entre son désir d’aller vers l’Europe — le premier cours du film porte là-dessus — et la proximité d’une Russie mafieuse et corrompue. The Tribe est un film sans texte, mais il n’est pas avare en sous-texte, et cela ne fait que le rendre plus fascinant encore.

 

The Tribe
De Myroslav Slaboshpytskiy (Ukraine, 2h12) avec Grigory Fensenko, Yana Novikova…

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