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Les Merveilles

Alice Rohrwacher tente de faire renaître le néo-réalisme italien en filmant une famille d’apiculteurs loin de la modernité, bousculée par les aspirations de la fille aînée et l’irruption de la télévision. Un petit film attachant mais un peu longuet. Christophe Chabert

En sélectionnant Les Merveilles en compétition au dernier festival de Cannes, Thierry Frémaux n’a pas forcément rendu le meilleur service à Alice Rohrwacher ; Jane Campion et son jury non plus en lui décernant leur Grand prix. Car le costume est d’évidence trop large pour ce deuxième film modeste et attachant, dont les défauts sont criants et qui témoigne plutôt de l’affirmation d’un talent encore en devenir.

Déjà, Corpo Celeste, premier film de Rohrwacher, empilait quelques clichés du cinéma d'auteur : image naturaliste, mise en scène à hauteur d’enfant, approche intime mais pas très critique de la question religieuse… Les Merveilles, tout en s’inscrivant naturellement dans la même lignée, est bien plus passionnant : on y voit une famille d’apiculteurs de la région des Étrusques, comme sortie d’une autre époque — l’Italie rurale des années 30, mais aussi les communautés beatnik des années 70 — avec un père fantasque et colérique et quatre filles dont l’aînée, Gelsomina — bonjour La Strada ! entre dans l’adolescence. Ce microcosme brinquebalant où tout le monde fait un peu tout à la fois et où l’on parle trois langues — italien, français et allemand — est bousculé par l’irruption d’une équipe de télé-réalité préparant une émission célébrant «le pays des merveilles», c’est-à-dire les derniers artisans régionaux.

Néo néo-réalisme

Ce choc des cultures est surtout pour Rohrwacher l’occasion de confronter sa propre représentation d’un monde en voie de disparition avec celle d’une industrie du spectacle qui veut la transformer en folklore truculent — l’animatrice de l’émission (Monica Bellucci) commet un lapsus en parlant de «préhistoire». Soit d’un côté la résurgence d’un certain néo-réalisme, de l’autre une version vulgaire et bâtarde des visions poétiques et felliniennes — le clou du spectacle est ce moment où Gelsomina fait sortir des abeilles vivantes de sa bouche.

C’est la plus belle piste des Merveilles : en filmant ce qu’il reste du terroir italien et ceux qui le font vivre, la réalisatrice s’interroge aussi sur les ruines du cinéma italien, démoli puis recouvert par la télévision. Dommage qu’il lui faille un peu de temps pour y parvenir — le film fait presque deux heures, et le début est laborieux — et qu’elle systématise une caméra tremblante comme gage d’authenticité. Cela étant, la force des dernières scènes, où la magie finit par prendre le dessus sur le réel, dit sans doute à quel point Rohrwacher a déjà des envies d’évasion…

Les Merveilles
D’Alice Rohrwacher (Ita, 1h51) avec Maria Alexandra Lungu, Sam Louwick, Alba Rohrwacher…

Sortie le 11 février

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