Berlinale 2015, jour 8. Gay Berlin.

« 13 minutes » d’Olivier Hirschbiegel. « Vergine giurata » de Laura Bispuri. « L’été de Sangaile » de Alanté Kavaïté. « Nasty baby » de Sebastian Silva.

À la Berlinale, on remet chaque année le Teddy Bear du meilleur film LGBT, une tradition qui fête ses vingt ans et qui a depuis fait école dans d’autres festivals (cf la Queer Palm de Cannes). On ne sait trop si c’est l’œuf qui a fait la poule ou les poules qui ont pondu des œufs, mais toujours est-il que la Berlinale est devenue un lieu important pour le lancement d’une saison entière de films gays, ceux-ci se retrouvant dans toutes les sections, mais plus particulièrement en compétition (comme le Greenaway d’hier) et surtout au Panorama, où il y en a à foison.

13 minutes, et deux heures de souffrance

Avant de donner quelques exemples parmi ceux qu’on a vus durant cette semaine, arrêtons-nous sur 13 minutes, le nouveau Olivier Hirschbiegel, «auteur» de La Chute et de l’impérissable Diana, dont on ricane encore deux ans après l’avoir vu — même si Grace de Monaco l’a dépassé dans le genre biopic bidon de princesse ridicule. Hirschbiegel, dans le meilleur des cas, pourrait postuler au titre de Claude Berri allemand, alignant les grosses productions historiques et patrimoniales avec méthode et application. Enfin, application, il faut le dire vite car ce 13 minutes est d’un académisme à peine imaginable, un combe quand on a un sujet à la Melville : comment Georg Esler, un horloger doué décide de monter tout seul à Munich en 1939 un attentat à la bombe contre Hitler, bombe qu’il fabrique artisanalement et qui n’est pas loin de réussir son office. Échouant d’un cheveu dans son projet, il se retrouve entre les mains des SS qui vont le torturer, persuadés qu’il ne peut pas avoir accompli ce projet sans une aide extérieure.

Or, Esler y est bien parvenu avec son cerveau et ses petites mimines, mais surtout un gros ressentiment sur la patate parce que : 1) les nazis, c’est vraiment des salauds ; 2) les Allemands, ils respectent pas leur femme ; 3) faut vraiment faire quelque chose sinon ça va être la catastrophe en Europe, la guerre et tout ça. On exagère un tout petit peu le trait, mais à peine, car les illustrations scolaires d’Hirschbiegel aplatissent tout au niveau d’une rédaction de 6e dans un collège de Frankfort, sur le thème : y a-t-il eu des gens qui ont résisté à la montée du nazisme en Allemagne ? Voici donc ce que ça pourrait donner à l’écrit, et pour les allergiques aux spoilers, passez direct au prochain paragraphe….

Introduction : comme résistant au nazisme, y a Georg Esler, par exemple… Il a donné de sa personne pour la poser, sa bombe, il s’est raclé les mains et les genoux et même que c’est ça qui l’a trahi ensuite en prison, les genoux râpés. Première partie : Esler, au départ, c’était un mec qui jouait de la guitare pour draguer des filles en maillot de bain au bord du lac de Constance. Mais un jour, Hitler est arrivé au pouvoir, et Esler a vu que les mecs qui le soutenaient, c’était des méchants, même qu’ils bastonnaient les communistes. Deuxième partie : du coup, pour voir ce que ces enfoirés de nazis faisaient à son peuple, Esler est allé bosser comme ouvrier sidérurgiste volontaire au milieu des travailleurs forcés. Mais il est tombé amoureux d’une femme mariée, dont l’époux était un gros porc complètement con qui n’a pas droit à plus de quatre lignes de dialogue dans le film. Quatrième partie : désespéré par sa situation personnelle et par la situation allemande, Esler fabrique donc sa bombe, prend les mesures de l’endroit où il va la cacher, au point de pouvoir tout reconstituer ensuite devant les SS. Du coup, impressionnés, ceux-ci essaient de lui sauver la vie et se contentent de l’envoyer à Dachau, où il mange de la bouillie, se fait raser le crâne et a pour tout réconfort une photo de sa bien aimée et une espère de balalaïka artisanale. Il a quand même un traitement de faveur puisqu’il a sa cellule à lui tout seul — cela étant, il a l’air d’être l’unique prisonnier, car y a pas un chat et pas un bruit à Dachau en 1945. Conclusion : pas de bol, à quelques jours de la libération du camp, on donne l’ordre de l’exécuter. Sa dernière pensée va à la femme qu’il aime, même s’il pense qu’elle est morte. Un carton final nous apprend que non. Chienne de vie, tiens ! Conclusion : même Claude Berri aurait fait mieux.

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