Nicolas Winding Refn : « La créativité n'a aucune limite »

The Neon Demon
De Nicolas Winding Refn (ÉU, 1h57) avec Elle Fanning, Jena Malone...

The Neon Demon / Revenu bredouille de Cannes, The Neon Demon avait pourtant tout pour plaire à George Miller : c’est un film d’horreur adolescent. Explications par ce pince-sans-rire élégant qu’est Nicolas Winding Refn.

Pourquoi avoir jeté votre dévolu sur le milieu de la mode ?
En fait, je ne l'ai pas choisi, je voulais faire un film sur la beauté. Tout le monde a un avis sur cette notion : soit pour la considérer comme étant dépourvue d’intérêt, soit comme étant une valeur absolue. Même si elle apparaît largement dans de nombreuses facettes de notre vie, c’est évidemment dans l'univers de la mode qu’elle est la plus célébrée. Nous vivons dans un monde totalement obnubilé par la beauté, elle est devenue une obsession artistique et générale. Cette “monnaie” n’a jamais été dévaluée, mais sa durée de vie devient de plus en plus éphémère et se récolte de plus en plus jeune.

à lire aussi : Drive

The Neon Demon n’est-il pas plus particulièrement un film sur l’intoxication par la beauté — ce qui, au passage, vous a fait encourir un risque de surdose en dirigeant Elle Fanning ?
(rires) Il n’y aurait pas de film sans Elle, c’est sûr ! La diversité d’opinions qui existent sur ce thème est très intéressante. Les gens partent du principe que le film porte une vision critique. Au contraire, il développe une vision futuriste, accentuant la vérité que mes scénaristes et moi avons observée. Notre envie initiale était de faire un film d’horreur sur une adolescente de 16 ans, qui soit également un mélo drôle, intéressant, maniéré ; coloré dans lequel il y aurait de l’obscurité. Mais aussi un film de science-fiction, exaltant, provocateur, avec une histoire conventionnelle — elle est similaire à celle d’Une étoile est née. The Neon Demon est conçu pour être à la fois divertissant, glamour et vulgaire. En un sens, c’est le film parfait pour Cannes !

« Provoquer en étant conventionnel » : vous vous sentez un peu dandy ?
Ah oui ! Il y a des similitudes entre Oscar Wilde et moi : on prend plaisir à exposer des tabous de la société et à les utiliser d’une manière à la fois divertissante et flamboyante.

à lire aussi : Bronson

Quelles contraintes esthétiques suppose la représentation de la beauté à l’écran ?
Plutôt que la beauté, je cherche à montrer ce qui est intéressant à regarder. Je ne fais pas du théâtre, mais du cinéma, un art créé pour l’œil ; j’utilise donc tous les outils à ma disposition afin de raconter une histoire que moi-même je voudrais voir.

Donc, lorsque vous devez satisfaire un désir d’histoire, le recours à ces outils peut être sans limite ?
La créativité n’a aucune limite !

D’où vous vient cette attirance pour les couleurs vives, en particulier les teintes rouges ?
Je suppose que c’est parce que je suis daltonien, et que je ne peux faire des films qu’avec les couleurs que je distingue. Le rouge est très dominant parmi le spectre de celles que je perçois…

à lire aussi : "The Neon Demon" : l'objet du désir

Pourquoi avoir co-écrit le scénario avec les dramaturges Mary Laws et Polly Stenham ?
Pour les scènes de femmes entre elles. Je ne suis jamais rentré dans les toilettes lorsqu’il y a dix femmes en même temps ; je ne sais pas ce qu’il s’y passe. L’ironie, c’est que lorsque l’on a lu le scénario avec Elle, je lui ai demandé si certaines scènes fonctionnaient de son point de vue de jeune femme de seize ans ; elle m’a répondu par la négative dans la plupart des cas ! Alors on est reparti de zéro… Mais sinon, je ne crois pas que les femmes aient un regard sur l’industrie de la mode qui soit très différent de celui des hommes.

Comment en êtes-vous arrivé à choisir Keanu Reeves pour jouer le directeur du motel où loge votre héroïne, Jesse ?
En réalité, il travaille dans ce motel (rires). En fait, j’ai toujours admiré Keanu ; alors, j’ai fait une sorte de pari : je lui ai proposé très peu d’argent pour être disponible pendant les sept semaines que durait le tournage — qui suivait l’ordre chronologique. Le moment où il a dit « oui » a été très, très, cool !

Avez-vous envisagé que Jesse connaisse une trajectoire moins tragique ?
Qu’on puisse la sauver ? Non ! Nous ne voulions pas faire un film sur une victime. La plupart des films qui traitent de l’industrie du divertissement racontent l’histoire d’une innocence qui arrive en ville, qui se fait corrompre par le système avant d’en ressortir brisée. Ici, c’est Jesse qui est le poison et rend tout le monde fou.

Arrivez-vous à trouver de la beauté autour de vous ?
Ma femme est très belle, elle est née très belle — pas moi. Mes enfants sont très beaux… Si j’étais une jeune fille de seize ans, je serais Elle Fanning.

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mercredi 26 juin 2019 Issue d’une famille immigrée polonaise vivant dans l’austérité et la foi sur une petite île britannique, la talentueuse Violet rêve de devenir chanteuse. Quand l’émission "Teen Spirit" organise des auditions près de chez elle, elle tente sa chance,...
Jeudi 23 juin 2016 Du dimanche 26 au mercredi 29 juin, c'est la Fête du cinéma. Une offre tarifaire de 4 euros destinée à doper la fréquentation des salles. On a fait le tri dans l’offre pléthorique proposée. Attention tout de même : cette sélection avec la liste des...
Mardi 7 juin 2016 Retour en grâce pour NRW — c’est ainsi qu’il sigle son nom au générique — avec un conte initiatique : celui d’une gamine partant à la conquête du monde de la mode. Le récit d’une ambition dévorante et dévorée, à la superbe… superbe.
Mardi 7 juin 2016 Si vous avez suivi d’un œil distrait la compétition cannoise au motif qu’elle concernait des œuvres encore éloignées des écrans, préparez-vous à l’écarquiller : une (...)
Mardi 6 octobre 2015 Lorsque que vous aurez découvert le hobby de Nicolas Winding Refn, vous ne serez plus étonné par la musique qu’il choisit pour habiller ses œuvres — ni par (...)
Jeudi 18 juin 2015 Immense cinéphile et cinéaste majeur, Martin Scorsese avait depuis le début le profil d’un prix Lumière parfait. Son sacre aura lieu au cours de l’édition 2015 du festival Lumière, dont la programmation, même incomplète, est déjà...
Mercredi 22 mai 2013 Nicolas Winding Refn rate le virage post-Drive avec ce film vaniteux qui ressemble à l’œuvre d’un chef décorateur surdoué cherchant sans y parvenir quelque chose à raconter. Christophe Chabert
Vendredi 19 avril 2013 Sorti d'une hype assez discrète par le succès planétaire de son "Nightcall" en ouverture du "Drive" de Nicolas Winding Refn, le Parisien Kavinsky poursuit pied au plancher avec l'album "Outrun", bande-son rétro-futuriste des pires et meilleurs...
Jeudi 4 octobre 2012 Ce lundi, le festival Lumière démarre à la Halle Tony Garnier avec sa rituelle soirée d’ouverture pleine de "stâââârs" qui monteront sur scène pour en donner le (...)
Jeudi 6 septembre 2012 Plus éclatée que lors des éditions précédentes, la programmation de Lumière 2012 ménagera films monstres, raretés, classiques restaurés, muets en musique et invités de marque. Christophe Chabert
Jeudi 5 avril 2012 Adoptant l'adage bressonien voulant que le public ne sache pas ce qu'il veut, Francis Ford Coppola ne se soucie plus de plaire, il est libre. L'Homme (...)
Mercredi 28 septembre 2011 Déjà remarqué avec la trilogie Pusher et le brillant Bronson, Nicolas Winding Refn s’empare d’un polar de série B trouvé par son acteur Ryan Gosling et le transforme en magnifique geste de mise en scène, jouissif d’un bout à l’autre, remettant au...
Vendredi 29 avril 2011 Paul Thomas AndersonSes premiers films (Boogie nights et Magnolia surtout) étaient sous forte influence Scorsese, mais Paul Thomas Anderson s’est avéré le (...)
Mardi 21 décembre 2010 Poussant jusqu’à son point limite le goût des récits minimalistes et de l’observation du silence, Sofia Coppola signe le beau portrait d’une star en stand-by professionnel et existentiel, dans un film fragile, ténu et marquant. Christophe Chabert
Jeudi 9 juillet 2009 Avec un acteur principal habité et de circonvolutions esthétiques incroyablement maîtrisées, Nicolas Winding Refn nous démontre avec brio que oui, une biographie filmée peut avoir un point de vue dans sa mise en scène. François Cau

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X