"Departure" d’Andrew Steggall : mauvais débarras
ECRANS le Mardi 30 mai 2017 | par Vincent Raymond
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Tuiles en cascades pour la quinquagénaire Marie-Francine : son mari la quitte pour une jeunesse, elle perd son boulot de chercheuse puis doit retourner vivre chez ses parents (et supporter leurs manies hors d’âge). Une éclaircie tempère ce chaos : sa rencontre avec Miguel, un cuisinier attentionné traversant peu ou prou les mêmes galères qu’elle. Et si le bonheur était à venir ?
On avait laissé, pour ne pas dire abandonné, Valérie Lemercier seule face à la Bérézina que constituait 100% Cachemire (2013), film trahissant un essoufflement ultime dans sa mécanique de comédie. Comme une fin de cycle en triste capilotade. Changement de ton et de registre ici, avec ce qui pourrait bien être la plus belle réussite de la cinéaste : sous l’impulsion de sa coscénariste Sabine Haudepin, Valérie Lemercier sort en effet de sa zone de confiance, au-delà de l’aimable charge contre les bourgeois — plus prévisible que corrosive chez elle. Certes, elle s’octroie le (petit) rôle de la jumelle snobinarde de Marie-Francine, clone des emplois qu’elle a mille fois tenus, mais ce doit être pour faire une concession à sa base de fans. Et (peut-être ?) se résoudre à lui faire ses adieux en douceur.
ECRANS le Mardi 30 mai 2017 | par Vincent Raymond
Engagé sur les rails hasardeux d’une comédie de caractères inspirée par la problématique des enfants-boomerang (comme Retour chez ma mère, avec décor studio de série et frictions générationnelles intégrées), Marie-Francine bifurque soudain, se transformant en une attachante bluette dès l’irruption de Miguel, campé par Patrick Timsit : on en oublie de sourire pour considérer sans ironie ni dérision la belle histoire sentimentale en train de cristalliser entre ces deux personnages cabossés, qui à bien des égards rappellent les héros ordinaires de Pourquoi pas nous ?.
Avec son calme olympien et sa simplicité bienveillante, Miguel sied à merveille à la nature profonde du comédien, aux antipodes du côté dynamite volontiers recherché par la plupart des réalisateurs — à ce jour, Coline Serreau demeurait l’une des rares à avoir approché sa tendresse et sa délicatesse dans La Crise. Il n’est pas exclu de penser que beaucoup de specta·trice·teurs vont (enfin) le découvrir dans ce film.
Cinquième long-métrage de Valérie Lemercier, "Marie-Francine" est sans doute le plus réussi. Et n’est pas (uniquement) une comédie. Rencontre avec la coscénariste / réalisatrice / interprète.
ECRANS le Mardi 30 mai 2017 | par Vincent Raymond
Est-il facile de signer une comédie romantique ?
Valérie Lemercier : C’est ma première histoire d’amour au cinéma, et elle est venue malgré moi. À l’écriture avec Sabine Haudepin, je redoutais que ce soit “uc-uc”. Le sujet était la résurrection de Marie-Francine, je ne voulais pas qu’elle soit trop victime : les victimes, on a envie de leur en remettre un coup, c’est humain. Alors, j’ai beaucoup raccourci au montage.
Il y a une évidence entre Patrick Timisit et vous à l’écran. Comment est né ce couple ?
Cette évidence était évidente pour moi ! Elle ne l’était probablement pas sur le papier, mais je savais que le choix de Patrick serait bon, car il me plaisait dans la vie — ce n’est pas plus compliqué que cela. Il a du charme, c’est l’homme idéal, il a l’âge du rôle, il pouvait faire portugais… Et je voulais qu’on voie ce que moi j’avais vu — même si je ne l’avais jamais vu sur scène avant de lui proposer le rôle. Je voyais bien qu’il pouvait être Miguel et que ce serait bien, c’était différent. Mais j’ai l’impression que tout le monde le sait, qu’il est comme ça. Il a eu l’humilité de ne pas se formaliser d’arriver page 40 ; sans que je lui demande, il est allé tout seul faire des tests dans des cuisines pour avoir les gestes pour être crédible en cuistot, alors qu’il n’est pas très manuel (rires). Alors, quand j’entends les filles sortir du cinéma et le vouloir pour mari, je me dis que c’est réussi.
Marie-Francine vous ressemble-t-elle ?
Elle n’a jamais été confrontée à la sévérité de la vie, elle est un peu plus dans la lune et naïve que je ne le suis. Personnellement, je devance plus les choses : j’aurais vu mon mari s’éloigner, mes filles grandir… Mais je ne suis pas pour autant sa jumelle, Marie-Noëlle [la bourgeoise, NDLR] !
Votre personnage porte des lunettes. Vous ont-elles aidé à composer le rôle ?
Elles ont été très importantes ! Pour moi, Marie-Francine a des lunettes : ça maquille sans maquiller ; c’est un accessoire de beauté. Les gens bigleux sont plus dans leur monde. Je n’étais pas Marie-Francine quand je ne les mettais pas. J’ai mis du temps à les trouver. Pourtant, ce sont des lunettes de rien, de pharmacie à 12€. Mais c’était le bon modèle — qu’il ne fallait surtout pas perdre : il n’y en avait qu’une paire.
Ce type de détail est-il prévu dès l’écriture ?
Tout, mêmes les décors, est pensé et écrit dans les didascalies. Ce sont des détails, mais les gens les voient. Cela fait que l’on peut regarder deux fois le film, c’est important. Moi, je veux qu’on y croit. L’appartement est faux, tout est faux, c’est en studio. La boutique aussi. Mais sur le tournage, je pensais tellement qu’on était dans un vrai appartement avec des magazines qui traînent, un bouquet de monnaie-du-pape dans l’entrée, de la toile de Jouy dans la chambre des jumelles… que j’allais prendre l’air sur un balcon, face à un pauvre mur. Je m’intéresse aussi beaucoup aux costumes. Il y a les musiques que j’écoutais enfant. Je mets beaucoup de moi-même. C’est très intime, un film, même si ça fait travailler 200 personnes. Ça n’est que le fantasme et l’obsession de quelqu’un. Et heureusement : je trouve parfois dommage que les metteurs en scène ne soient pas obsessionnels.
Parvenez-vous à avoir un regard sur vos films précédent ?
J’ai revu Quadrille il y a peu : j’ai voulu montrer un costume. Je n’ai pas trop crié. En fait, il n’y a quasiment que le jeu qui m’intéresse. Un travelling, un plan de grue, de drone ou des prouesses techniques, ça ne m’intéresse pas du tout. Je suis très heureuse d’avoir eu un chef-op’ qui a très bien éclairé tout le monde ! Parfois, je choure des trucs dans des films que je vois : les parents qui se parlent de chambre en chambre, j’ai vu ça dans Madame de… d’Ophüls, un de mes films préféré, ça m'a amusé. Et la crise de Marie-Francine est un peu copiée sur L’Effrontée de Claude Miller. Les petites boutiques, avec la musique de Michel Legrand, ça fait un peu Jacques Demy — je ne l’ai vu qu’après. Ce sont des choses qui me parlent et me nourrissent, c’est un peu inconscient. Les personnages et l’intimité des gens m’intéressent davantage. Je remarque que beaucoup de mes films se passent dans les chambres et les cuisines.
Tuiles en cascades pour la quinquagénaire Marie-Francine : son mari la quitte pour une jeunesse, elle perd son boulot de chercheuse puis doit retourner vivre chez ses parents (et supporter leurs manies hors d’âge). Une éclaircie tempère ce chaos : sa rencontre avec Miguel, un cuisinier attentionné traversant peu ou prou les mêmes galères qu’elle. Et si le bonheur était à venir ?
On avait laissé, pour ne pas dire abandonné, Valérie Lemercier seule face à la Bérézina que constituait 100% Cachemire (2013), film trahissant un essoufflement ultime dans sa mécanique de comédie. Comme une fin de cycle en triste capilotade. Changement de ton et de registre ici, avec ce qui pourrait bien être la plus belle réussite de la cinéaste : sous l’impulsion de sa coscénariste Sabine Haudepin, Valérie Lemercier sort en effet de sa zone de confiance, au-delà de l’aimable charge contre les bourgeois — plus prévisible que corrosive chez elle. Certes, elle s’octroie le (petit) rôle de la jumelle snobinarde de Marie-Francine, clone des emplois qu’elle a mille fois tenus, mais ce doit être pour faire une concession à sa base de fans. Et (peut-être ?) se résoudre à lui faire ses adieux en douceur.
ECRANS le Mardi 30 mai 2017 | par Vincent Raymond
Engagé sur les rails hasardeux d’une comédie de caractères inspirée par la problématique des enfants-boomerang (comme Retour chez ma mère, avec décor studio de série et frictions générationnelles intégrées), Marie-Francine bifurque soudain, se transformant en une attachante bluette dès l’irruption de Miguel, campé par Patrick Timsit : on en oublie de sourire pour considérer sans ironie ni dérision la belle histoire sentimentale en train de cristalliser entre ces deux personnages cabossés, qui à bien des égards rappellent les héros ordinaires de Pourquoi pas nous ?.
Avec son calme olympien et sa simplicité bienveillante, Miguel sied à merveille à la nature profonde du comédien, aux antipodes du côté dynamite volontiers recherché par la plupart des réalisateurs — à ce jour, Coline Serreau demeurait l’une des rares à avoir approché sa tendresse et sa délicatesse dans La Crise. Il n’est pas exclu de penser que beaucoup de specta·trice·teurs vont (enfin) le découvrir dans ce film.
Cinquième long-métrage de Valérie Lemercier, "Marie-Francine" est sans doute le plus réussi. Et n’est pas (uniquement) une comédie. Rencontre avec la coscénariste / réalisatrice / interprète.
Est-il facile de signer une comédie romantique ?
Valérie Lemercier : C’est ma première histoire d’amour au cinéma, et elle est venue malgré moi. À l’écriture avec Sabine Haudepin, je redoutais que ce soit “uc-uc”. Le sujet était la résurrection de Marie-Francine, je ne voulais pas qu’elle soit trop victime : les victimes, on a envie de leur en remettre un coup, c’est humain. Alors, j’ai beaucoup raccourci au montage.
ECRANS le Mardi 30 mai 2017 | par Vincent Raymond
Il y a une évidence entre Patrick Timisit et vous à l’écran. Comment est né ce couple ?
Cette évidence était évidente pour moi ! Elle ne l’était probablement pas sur le papier, mais je savais que le choix de Patrick serait bon, car il me plaisait dans la vie — ce n’est pas plus compliqué que cela. Il a du charme, c’est l’homme idéal, il a l’âge du rôle, il pouvait faire portugais… Et je voulais qu’on voie ce que moi j’avais vu — même si je ne l’avais jamais vu sur scène avant de lui proposer le rôle. Je voyais bien qu’il pouvait être Miguel et que ce serait bien, c’était différent. Mais j’ai l’impression que tout le monde le sait, qu’il est comme ça. Il a eu l’humilité de ne pas se formaliser d’arriver page 40 ; sans que je lui demande, il est allé tout seul faire des tests dans des cuisines pour avoir les gestes pour être crédible en cuistot, alors qu’il n’est pas très manuel (rires). Alors, quand j’entends les filles sortir du cinéma et le vouloir pour mari, je me dis que c’est réussi.
Marie-Francine vous ressemble-t-elle ?
Elle n’a jamais été confrontée à la sévérité de la vie, elle est un peu plus dans la lune et naïve que je ne le suis. Personnellement, je devance plus les choses : j’aurais vu mon mari s’éloigner, mes filles grandir… Mais je ne suis pas pour autant sa jumelle, Marie-Noëlle [la bourgeoise, NDLR] !
Votre personnage porte des lunettes. Vous ont-elles aidé à composer le rôle ?
Elles ont été très importantes ! Pour moi, Marie-Francine a des lunettes : ça maquille sans maquiller ; c’est un accessoire de beauté. Les gens bigleux sont plus dans leur monde. Je n’étais pas Marie-Francine quand je ne les mettais pas. J’ai mis du temps à les trouver. Pourtant, ce sont des lunettes de rien, de pharmacie à 12€. Mais c’était le bon modèle — qu’il ne fallait surtout pas perdre : il n’y en avait qu’une paire.
Ce type de détail est-il prévu dès l’écriture ?
Tout, mêmes les décors, est pensé et écrit dans les didascalies. Ce sont des détails, mais les gens les voient. Cela fait que l’on peut regarder deux fois le film, c’est important. Moi, je veux qu’on y croit. L’appartement est faux, tout est faux, c’est en studio. La boutique aussi. Mais sur le tournage, je pensais tellement qu’on était dans un vrai appartement avec des magazines qui traînent, un bouquet de monnaie-du-pape dans l’entrée, de la toile de Jouy dans la chambre des jumelles… que j’allais prendre l’air sur un balcon, face à un pauvre mur. Je m’intéresse aussi beaucoup aux costumes. Il y a les musiques que j’écoutais enfant. Je mets beaucoup de moi-même. C’est très intime, un film, même si ça fait travailler 200 personnes. Ça n’est que le fantasme et l’obsession de quelqu’un. Et heureusement : je trouve parfois dommage que les metteurs en scène ne soient pas obsessionnels.
Parvenez-vous à avoir un regard sur vos films précédent ?
J’ai revu Quadrille il y a peu : j’ai voulu montrer un costume. Je n’ai pas trop crié. En fait, il n’y a quasiment que le jeu qui m’intéresse. Un travelling, un plan de grue, de drone ou des prouesses techniques, ça ne m’intéresse pas du tout. Je suis très heureuse d’avoir eu un chef-op’ qui a très bien éclairé tout le monde ! Parfois, je choure des trucs dans des films que je vois : les parents qui se parlent de chambre en chambre, j’ai vu ça dans Madame de… d’Ophüls, un de mes films préféré, ça m'a amusé. Et la crise de Marie-Francine est un peu copiée sur L’Effrontée de Claude Miller. Les petites boutiques, avec la musique de Michel Legrand, ça fait un peu Jacques Demy — je ne l’ai vu qu’après. Ce sont des choses qui me parlent et me nourrissent, c’est un peu inconscient. Les personnages et l’intimité des gens m’intéressent davantage. Je remarque que beaucoup de mes films se passent dans les chambres et les cuisines.
Crédit Photo : © Jean-Marie Leroy / Rectangle Productions
De Valérie Lemercier (Fr, 1h35) avec Valérie Lemercier, Patrick Timsit...
De Valérie Lemercier (Fr, 1h35) avec Valérie Lemercier, Patrick Timsit...
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Trop vieille pour son mari, de trop dans son boulot, Marie-Francine doit retourner vivre chez ses parents...... à 50 ans ! Infantilisée par eux, c'est pourtant dans la petite boutique de cigarettes électroniques qu'ils vont lui faire tenir, qu'elle va enfin rencontrer Miguel. Miguel, sans oser le lui avouer, est exactement dans la même situation qu'elle. Comment vont faire ces deux-là pour abriter leur nouvel amour sans maison, là est la question...
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